Semi-moratoire et clonage par pipettes : c'est l'ère de la "nano-alimentation".

L'empire américain de la génétique contre-attaque et gagne une bataille symbolique dans la guerre des clones. Après les organismes modifiés, le bœuf aux hormones, le poulet chloré ou encore la découverte de la vente au Royaume-Uni de viande provenant de descendants directs d’une vache clonée sans autorisation, la Commission Européenne lâche du lest ne voulant pas une fois de plus entraver les échanges commerciaux transatlantiques. Pour rappel, l'European Food Safety Authority (EFSA), sous contrôle de la Commission, avait jugé en 2008 "que des incertitudes subsistaient dans l’évaluation des risques associés au clonage", stipulant que si les animaux souffraient, avec un fort taux de mortalité, il était impossible de différencier sur le plan de la sécurité alimentaire les animaux clonés des animaux conçus normalement.

La dernière proposition visant à réguler le clonage alimentaire a de quoi laisser pantois. Sous forme d’un moratoire d’une durée de cinq ans, la Commission propose par souci d'ethique d’interdire l’importation d’animaux clonés et la vente de leur viande ou de leur lait. Jusqu’ici, les citoyens européens ont de quoi souffler, mais le commissaire à la Santé John Dalli fait preuve d’une logique redoutable : « le clone est un jumeau. Mais sa descendance est naturelle. Elle ne suscite aucune réserve éthique et aucun problème de bien-être animal, comme le clonage ».

Étant donné qu’un animal cloné coûte entre 15000 et 20000 dollars, il était de toute manière peu probable de le voir découpé en tranches pour finir dans nos assiettes... Le moratoire n'a alors que peu de sens.

Ce qui n’est pas le cas de la progéniture, et encore moins des embryons et des semences des animaux clonés, eux bons marchés et exclus du moratoire. Rappelons qu’en Europe, la majorité des vaches laitières est issue de l'insémination artificielle avec 98 % des semences qui proviennent de l'UE. En 2010, 2 % seulement sont importées. Avec ce moratoire partiel, la donne pourrait bien changer... D’ailleurs, les Etats sont sceptiques aux côtés des parlementaires européens et demandent à titre préventif « l'interdiction de toute commercialisation de viande ou de lait issus d'animaux clonés ou de leur descendance».

Le clonage, disons-le, à mauvaise presse en Europe. Alors qu’aux Etats-Unis et au Brésil il est devenu crédo, les européens quant à eux conservent leur scepticisme habituel… Tout cela ressemble à un bien mauvais film de science-fiction où les vaches mutantes prendraient le contrôle du monde. Si on y réfléchit bien, il y en a bien déjà quelques-uns qui brassent du blé sur les pipettes de bovins.

Finalement, chiche ou pas de manger du clone ? Tout cela ne semble guère plus qu’une question de temps, et d’argent.

Arnaud Porsenna, Grégoire Fraty

1 http://fr.euronews.net/2010/10/22/clonage-alimentaire-la-proposition-de-bruxelles-peine-a-convaincre/

2 http://www.lemonde.fr/planete/article/2010/10/19/clonage-animal-la-commission-europeenne-veut-un-moratoire-de-cinq-ans_1428150_3244.html

3 http://www.lexpress.mu/story/16947-clonage-des-animaux-aventure-alimentaire-risquee.html