Federica Mogherini s’emploie à le montrer depuis sa prise de fonction, c'en est fini du mutisme européen sur la question Palestinienne qui caractérisait l’ère de la baronne Ashton à la tête du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE). Alors que sa position au sujet du conflit israélo-palestinien a pu soulever quelques incertitudes avant son investiture, la nouvelle chef de la diplomatie européenne n’a pas hésité à réunir cinq quotidiens nationaux majeurs de cinq États membres pour déclarer dans une interview publiée le 4 novembre dernier : « Je serais heureuse si, au terme de mon mandat, l’État palestinien existait » (1).

Les mots sont forts mais pas contraignants, à l’image de la vision de la diplomatie européenne de Mme Mogherini qui se veut ambitieuse en restant réaliste : « Je veux forger une stratégie, une vision et une politique communes mais je connais les limites de l’exercice : la question de la reconnaissance d’un État est une compétence des États membres… ». Les limites sont donc posées, ce sont d’ailleurs toujours les mêmes en Europe: la compétence des États Membres par rapport à celle de l’Union.

En ce qui concerne ces États justement, la Suède est devenue le 30 octobre dernier le premier pays membre de l’Union Européenne à reconnaitre l’État de Palestine. Dans le même ordre d’idée au cours du mois d’octobre, les parlements Britannique et Espagnol ont adopté des motions non contraignantes appelant à la reconnaissance de la Palestine en tant qu’État. La France s’est elle aussi engagée sur cette voie puisque le parlement doit débattre le 28 novembre prochain d’une proposition de résolution invitant le gouvernement Français à reconnaitre l’État d’Israël. Dans ce contexte, la présidente de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée Nationale, Élisabeth Guigou, a déclaré que « cette démarche doit s'inscrire dans une dimension européenne. La France est l'un des pays les plus écoutés, mais ne peut être seule à s'engager » (2). A l’ambition mesurée de Federica Mogherini vient donc se conjuguer la volonté de certains États membres d’avancer sur la question de la reconnaissance de la Palestine. Avec le climat désapprobation qui pèse sur Israël depuis ses actions militaires à Gaza l’été dernier, le contexte semble donc favorable au développement d’une prise de position claire au niveau Européen.

Certains analysent ce tournant dans la diplomatie européenne comme le résultat d'une volonté des Etats membres d'apporter enfin une solution à ce conflit (3). Cependant on pourrait reprocher à ces observateurs de ne pas reconnaitre à sa juste valeur l'action de Mme Mogherini qui a su saisir l’opportunité d’un sujet fédérateur pour construire sans attendre une parole européenne en la matière.

Malgré un début de mandat sur les chapeaux de roue qui a démontré que Mme Mogherini avait une bonne compréhension du fonctionnement de l’Union ainsi qu’une volonté certaine de changement dans l’action du SEAE, il faut toutefois noter que c’est un jeu dangereux auquel prête la nouvelle chef de la diplomatie européenne, la crise israélo-palestinienne étant un enjeu géopolitique majeur et qui s’est souvent soldé par des échecs cuisants pour nombreux services diplomatiques.

Pour la suite, le Parlement européen votera le jeudi 27 novembre prochain une résolution non contraignante qui « prie instamment tous les États membres de l'UE... de reconnaitre l'Etat de Palestine sur la base des frontières de 1967 avec Jérusalem comme capitale » (4). Un vote qui sera dans une certaine mesure révélateur du niveau d’adhésion des Etats membres aux ambitions diplomatiques de Mme Mogherini.

Hadrien Le Saux

(1) Le Monde, 04/11/14, Federica Mogherini : « Je serais heureuse si l’Etat palestinien existait au terme de mon mandat », http://www.lemonde.fr/europe/article/2014/11/04/federica-mogherini-je-serais-heureuse-si-l-etat-palestinien-existait-au-terme-de-mon-mandat_4517448_3214.html
(2) Le Monde, 23/11/14, Israël met en garde la France contre une reconnaissance de l'Etat palestinien, http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2014/11/23/netanyahou-met-en-garde-la-france-contre-une-reconnaissance-de-l-etat-palestinien_4528001_3218.html
(3) World Bulletin, 20/11/14, Pressure building among EU states for Palestinian statehood, http://www.worldbulletin.net/world/148795/pressure-building-among-eu-states-for-palestinian-statehood
(4) I24 News, 24/11/14, Etat de Palestine": motion de reconnaissance votée jeudi à l'UE, http://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/52096-141124-etat-de-palestine-motion-de-reconnaissance-votee-jeudi-a-l-ue