Il est des histoires si longues que l’on ne se rappelle plus de la manière dont elles ont commencé et qu’on ne peut pas en prédire la fin. Telle est celle du nucléaire iranien. Les négociations engagées depuis plus de dix ans n’ont toujours pas aboutit à un accord définitif. L’accord intermédiaire signé le 24 novembre 2013 entre Téhéran et les six médiateurs internationaux (Etats-Unis, France, Allemagne, Grande-Bretagne, Chine et Russie) prévoyait pourtant une date limite au 20 juillet 2014 pour s’entendre de manière définitive sur le sujet. Les discussions n’ayant pas abouti, cette date a été repoussée une première fois au 24 novembre 2014, puis au 30 juin 2015. (1)

Cette semaine, les six médiateurs internationaux et Téhéran se sont entretenus à Genève afin de se mettre d’accord sur les deux sujets qui divisent : le taux d’enrichissement en uranium de l’Iran et la levée des sanctions occidentales. Une fois de plus, cette réunion n’a pas abouti sur un accord mais sur une date fixée pour une nouvelle réunion en février. (2) Cette fois pourtant, le jeu semble changé. Téhéran n’est plus seul. Les Etats-Unis et l’Europe ne sont plus d’accord. Si Washington veut alourdir les sanctions envers l’Iran, les ministres des affaires étrangères britanniques, allemand et français appuyés par la Haute Représentante Federica Mogherini s’y opposent. (3) Ils expliquent en effet que s’il est «essentiel de maintenir la pression sur l'Iran grâce aux sanctions existantes », « ajouter de nouveaux obstacles à ce stade critique des négociations contrecarrerait les efforts (qu’ils mènent) en ce moment décisif ». Ils n’excluent pas, cependant, d’alourdir les sanctions si l’Iran venait à enfreindre ses engagements. (4)

L’Europe fait donc un grand pas vers Téhéran. Cette avancée arrive une semaine après la rencontre entre Federica Mogherini et Mohammad Javad Zarif, le premier ministre iranien. A l’issue de cette rencontre, ils ont affirmé « leur forte volonté de trouver une solution diplomatique » qui montrerait à la communauté internationale « la nature exclusivement pacifique du nucléaire iranien ». (5). Cela ne fait que rappeler le poids de l’Iran dans une période ou le Moyen-Orient entier est ébranlé. L’Europe semble avoir pris conscience qu’il sera désormais difficile de se passer de Téhéran pour stabiliser la région. Madame Mogherini a d’ailleurs demandé à l’Iran d’utiliser « son influence considérable » (5) afin de faciliter le retour à la paix dans la région. Les cartes semblent changer de main mais l’histoire n’est pas terminée.

Sources :

1/ La voix de la Russie, le 23 janvier 2015. http://french.ruvr.ru/news/2015_01_23/Berlin-Paris-Londres-et-l-UE-hostiles-aux-nouvelles-sanctions-contre-lIran-7809/

2/ Al Ahram, le 21 janvier 2015. http://hebdo.ahram.org.eg/NewsContent/0/2/10/9213/Nucl%C3%A9aire-iranien---En-attendant-des-r%C3%A9sultats-con.aspx

3/ Reuters, le 22 janvier 2015. http://www.reuters.com/article/2015/01/22/us-iran-nuclear-europe-idUSKBN0KV21B20150122

4/ L’Orient Le Jour, le 22 janvier 2015. http://www.lorientlejour.com/article/907409/iran-plus-de-sanctions-feraient-echouer-la-diplomatie-jugent-les-europeens.html

5/ Service Européen pour l’Action Extérieure, le 15 janvier 2015. http://eeas.europa.eu/statements-eeas/2015/150115_02_en.htm