Le 10 décembre, la Cour Européenne de Justice de l’Union Européenne (CJUE) avait choisi de suspendre le protocole de libéralisation de certains produits agricoles entre les deux régions. La Commission Européenne a annoncé sa volonté de faire appel de cette décision.

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La décision de la CJUE résulte d’une plainte déposée par le Front Polisario, un mouvement politique œuvrant pour l’indépendance du Sahara occidental sous contrôle marocain, à l’encontre d’un accord de mars 2012 entre l’UE et le Maroc. Ce dernier vise à la libéralisation des produits agricoles et de la pêche entre l’Union et le Royaume, Sahara occidental inclus. Le Front Polisario, estimant que l’exploitation des ressources naturelles de cette région se faisait au détriment des populations locales, avait demandé l’annulation de l’accord. Cet argument finalement a été retenu par les juges de la Cour, qui ont considéré que « le Conseil Européen a manqué à ses obligations » en appliquant l’accord à cette partie du pays, dont le statut peine à être défini depuis 1976.
C’est un coup dur à la fois pour l’UE et le Maroc, puisque cette décision confère au Front Polisario le pouvoir de poursuivre en justice deux entités souveraines, « dès lors que le Front Polisario est directement et individuellement concerné par la décision attaquée », précise l’arrêt de la CJUE. L’Union Européenne s’est empressée de réagir, par la voix de Federica Mogherini, la Haute Représentante de l’Union pour Affaires Etrangères : « L'UE considère que les accords bilatéraux ne sont pas remis en cause. Elle confirme son engagement envers le partenariat avec le Maroc, qui est un partenaire primordial dans le voisinage sud », a-t-elle déclaré officiellement. En ajoutant toutefois que l’UE avait « pris note de l'arrêt du Tribunal de l'Union européenne ». Mme Mogherini s’est entretenue avec le ministre marocain des Affaires Etrangères Salaheddine Mezouar dès le lendemain de l’annonce de la Cour. L’hypothèse d’un appel a immédiatement été mise sur la table par la Commission, comme l’atteste le témoignage d’un haut responsable européen préférant garder l’anonymat : « Tous les travaux préparatoires ont commencé en vue de proposer au Conseil de faire appel », a-t-il affirmé avant la tenue du Conseil d'association annuel entre l'Union Européenne et le Maroc, qui a réuni Mme Mogherini et M. Mezouar.
Le Maroc a également exprimé sa surprise « au sujet de cette décision concernant un protocole, qui comme tous les accords bilatéraux signés, est conforme à la légalité internationale ». Le Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération, dans son communiqué publié le 11 décembre, a également appelé l’Union Européenne à réagir, lui demandant de prendre « les mesures internes appropriées en vue de trouver une issue définitive à cette procédure ». Il a assuré qu’il suivrait « avec vigilance le déroulement d'une péripétie judiciaire à forte connotation politique et prendra, le cas échéant, les mesures qui s'imposent ».
La décision de la Commission Européenne de faire appel a manifestement rassuré le Royaume : « A travers cette position, l'Union européenne a choisi la voie de la raison et du droit », a indiqué le Ministère. Le Maroc affichait ouvertement son agacement face à la décision de la CJUE, qualifiant l’arrêt de « tendancieux et truffé de contrevérités ».
La France s’est montrée favorable à la décision d’appel, considérant le partenariat UE-Maroc comme fondamental dans le contexte géopolitique actuel, et dans le cadre de la lutte contre le terrorisme qui menace le Maghreb mais aussi l’Europe. Cependant, José Bové, en sa qualité de député européen, s’est félicité de la suspension de l’accord, demandant à Mme Mogherini « de tirer les conséquences de la décision de la Cour de Justice de l'Union européenne et de respecter le droit international ». « Cette décision historique rappelle à la Commission européenne, au Parlement européen et au Royaume du Maroc qu’ils ne peuvent pas se placer délibérément au-dessus ou à côté du droit international. Le Sahara occidental reste un territoire à décoloniser », a-t-il ajouté. Le Front Polisario, soutenu par Alger, poursuit ses efforts pour obtenir un référendum d’auto-détermination par les peuples du Sahara Occidental. Ce territoire abrite moins d’un million d’habitants et reste majoritairement contrôlé par le Maroc dans l’attente d’un accord entre les différentes parties prenantes.

Sources : Alger Presse Service : "Annulation de l’accord agricole UE-Maroc : l’UE doit ‘‘tirer les conséquences’‘ de la décision de la CJUE" http://www.aps.dz/monde/33488-annulation-de-l%E2%80%99accord-agricole-ue-maroc-l%E2%80%99ue-doit-%E2%80%98%E2%80%98tirer-les-cons%C3%A9quences%E2%80%99%E2%80%98-de-la-d%C3%A9cision-de-la-cjue

Le Monde : "Le Front Polisario parvient à faire annuler l’accord agricole entre le Maroc et l’UE" http://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2015/12/10/le-front-polisario-parvient-a-faire-annuler-l-accord-agricole-entre-le-maroc-et-l-ue_4829326_3212.html

The Huffington Post Maghreb : "Le Maroc réagit à l'annulation de l'accord agricole avec l'UE" http://www.huffpostmaghreb.com/2015/12/11/maroc-agriculture-europe_n_8785780.html

Maroc.ma : "Mme Mogherini : L'UE considère que les accords bilatéraux ne sont pas remis en cause" http://www.maroc.ma/fr/actualites/mme-mogherini-lue-considere-que-les-accords-bilateraux-ne-sont-pas-remis-en-cause