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Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union pour les Affaires Etrangères, et Recep Tayyip Erdoğan, Président de la Turquie

Le 25 janvier dernier s’est tenu à Ankara le Dialogue Politique de Haut Niveau entre l’Union Européenne (UE) et la Turquie. Il rassemblait notamment Federica Mogherini, Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Etrangères, Johannes Hahn, Commissaire Européen à l’élargissement, le Ministre des Affaires Etrangères turc Mevlüt Çavuşoğlu et le Ministre des Affaires Européenne et négociateur en chef Volkan Bozkır. Il s’est déroulé dans un climat où les relations UE-Turquie oscillent entre coopération et tensions.

En effet, alors que Federica Mogherini annonçait une « redynamisation et revitalisation de la coopération stratégique », notamment concernant la politique migratoire, la rencontre a été marquée par un rappel à l’ordre de l’UE au sujet du respect des Droits Humains suite à une série d’interpellations d’universitaires protestant contre la répression des Kurdes de Turquie. Le 16 janvier dernier, une vingtaine d’entre eux ont été arrêté après avoir signé une pétition contre les sanctions abusives à l’égard des membres du PKK (Parti des Travailleurs du Kurdistan). Ils encourent des peines allant jusqu’à cinq ans de prison pour « propagande terroriste » ou encore « incitation à violer la loi ». La cheffe de la diplomatie européenne a immédiatement condamné ce qu’elle a décrit comme un « climat d’intimidation », précisant que « la lutte contre le terrorisme doit pleinement respecter les obligations du droit international, y compris les droits Humains et le droit humanitaire ».

Lors du Dialogue Politique de Haut Niveau, Federica Mogherini a appelé à un « cessez-le-feu immédiat et un retour au processus de paix kurde, qui a été lancé ces dernières années avec une vision courageuse de la part des autorités turques ». Volkan Bozkır, au cours de la même conférence de presse, a immédiatement réagi en réaffirmant les intentions du gouvernement turc : «En tant que pays souverain, la Turquie continuera son combat contre toutes les organisations terroristes, y compris le Parti des travailleurs du Kurdistan, qui menacent sa sécurité nationale». Les deux partis se livrent à des déclarations qui soulignent l’évidente contradiction de leurs points de vue. « Nous pensons que le processus de paix est et restera le seul moyen d’assurer la paix et la stabilité du pays et probablement même de la région ». Elle s’est même livrée à des commentaires sur les prérequis démocratiques nécessaires à toute entrée dans l’Union : « Au sein de l’Union Européenne, nous considérons les domaines du droit, des droits Humains, y compris la liberté d’expression et d’association, et de l’indépendance judiciaire, comme extrêmement importants dans les pourparlers sur l’adhésion à l’UE », a-t-elle ainsi réaffirmé, appelant également la Turquie à « mettre en œuvre sa législation conformément aux standards européens ».

Ces dissensions interviennent quelques mois seulement après la signature d’un accord de coopération pour réguler les flux de migrants arrivant en Europe par la Turquie. Le 29 novembre 2015, une rencontre entre les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE et le gouvernement turc avait en effet permis de trouver un compromis, l’UE assurant une aide de trois milliards d’euros contre une meilleure gestion des migrants et une relance du processus d’adhésion qui n’avait pas connu d’évolution depuis 2005. Début janvier, les résultats se font toujours attendre : entre 2 000 et 3000 passages par jour son recensés depuis le début de l’année entre la Turquie et la Grèce. L’UE regrette un manque de volonté et de coopération, tandis qu’Ankara attends toujours l’aide financière promise, qui tarde à arriver en raison de divergences entre Etats-membres. « Nous sommes loin d’être satisfaits », a ainsi confessé Frans Timmermans, premier Vice-Président de la Commission européenne. Entre crise migratoire, lutte contre le terrorisme et respect de l’Etat de droit, les relations UE-Turquie peinent à évoluer vers une coopération stable et efficace.

Sources :
Le Point, "Arrestation en Turquie : l'UE dénonce un "climat d'intimidation"", 16/01/2016
Le Monde, "Crise des migrants : l'Union Européenne et la Turquie trouvent un accord", 29/11/2015
Le Monde, "Les espoirs déçus de l'accord entre la Turquie et l'UE sur les migrants", 9/01/2016
L'Opinion, "Migrants : pour l'Union Européenne, la Turquie peut mieux faire", 7/01/2016
Service Européen pour l'Action Extérieure, "Remarks by High Representative/Vice-President Federica Mogherini at the press conference following the EU-Turkey High Level Political Dialogue Meeting", 25/01/2015
Tribune de Genève, "L'UE veut un "cessez-le-feu immédiat"", 25/01/2016