La recherche et l’innovation en Pologne : des indicateurs peu encourageants

Sortie quasiment indemne de la crise économique, " championne européenne de la croissance économique » (1) , il reste pourtant encore beaucoup à faire à la Pologne avant d’atteindre un niveau de recherche, développement et innovation (RDI) digne de ce nom. En effet, le pays figure en fin de liste des classements de l’Union européenne, au sein des moderate innovators (2) . En 2014, la Pologne n’a investi que 0.94 % (3) de son PIB dans la R&D, bien loin de la moyenne européenne des 2.03% (4) et de l’objectif des 3% fixés à l’horizon 2020 par la Commission européenne (5) . Par comparaison, la France, qui fait partie des innovation followers (6) avec une performance à peine au-dessus de la moyenne européenne a dépensé 2.26 % de son PIB en 2014 (7).

Les enjeux de l'innovation

Malgré une transition économique réussie de l’économie planifiée au capitalisme, et la multiplication par deux des revenus de ses habitants en plus de deux décennies (8), l’écart de vie avec les voisins occidentaux persiste-65% du revenu moyen européen en 2014 (9), incitant une hausse des investissements innovants. Aussi, plane la peur du middle income trap (10) : ce ralentissement de la croissance économique après qu’elle ait atteint un niveau de revenu moyen (11) . Cette inquiétude est d’autant plus présente que le taux de croissance a chuté à 1% en 2013 (12) .

Le développement d’une réelle politique d’innovation, incarnée par des agences exécutives de l’Etat

Parmi les diverses structures en charge de ces cette question, l’Agence polonaise pour le développement des entreprises (PARP) et le Centre national de la recherche et du développement (NCRD) sont deux acteurs importants de la stimulation de la RDI en Pologne. Il s’agit d’agences gouvernementales qui dépendent respectivement du Ministre du Développement économique (13) et du Ministère de la Science et de l’Enseignement supérieur (14) . Leur affiliation à l’Etat n’est guère surprenante, au vu de la prépondérance de l’Etat polonais en matière d’innovation.

Toutes deux ont été créées relativement récemment : le NCRD n’existe que depuis 2007 et la PARP a été créée suite à une loi qui date de novembre 2000, ce qui en fait une agence d’innovation plutôt jeune en comparaison de ses homologues étrangers.

La création de ses agences ainsi que l’extension de leur mandat apparaît assez révélatrice d’un intérêt accru de l’Etat polonais pour l’innovation et les bénéfices à en retirer. En effet, le NCRD, grâce à une réforme votée en 2010, bénéficie d’une plus grande liberté dans la gestion de ses avoirs financiers(15) ; son budget a été multiplié de façon exponentielle en moins de 10 ans ; il est passé de 26 millions à 1 036 milliards d’euros. Depuis 2011, le Centre est désormais en charge de trois programmes opérationnels relatifs au capital humain, l’économie innovante et l’infrastructure et l’environnement.

Il s’agit d’organisations sœurs dont les activités de financement sont complémentaires en matière de RDI. Ainsi, le NCRD s’attache à financer les projets de recherche appliquée menés par des consortia incluant au moins un partenaire polonais, ou des entreprises étrangères implantées en Pologne et qui pratiquent des activités de RDI sur le sol polonais. Elle apporte son soutien à la commercialisation des résultats de la recherche ainsi qu’à la coopération entre le secteur privé et public, un des points faibles du système de RDI polonais. Dotée d’un budget d’1 milliards d’euros, la PARP concentre ses efforts sur le développement de l’entreprenariat, le soutien des activités de RDI, dans les entreprises, sans oublier l’internationalisation des PME.

Leurs activités sont comprises, d’une part dans la Stratégie de spécialisation intelligente (krajowa intelignetna specjalizacja), pour laquelle la Pologne a choisi de cibler les énergies renouvelables, l’environnement, les ressources naturelles et la gestion des déchets, les technologies innovantes (16) . D’autre part, le mandat de ces agences s’inscrit dans le cadre de la toute nouvelle stratégie de « Développement responsable » concoctée par l’actuel gouvernement. A l’horizon 2020, l’Etat souhaite la création de 22 000 PME, un investissement de 2% du PIB dans la RDI ; il espère également que les revenus des Polonais représenteront 79% du revenu moyen européen (17).

Les défis à relever pour l’avenir

Le pays doit faire face à biens des défis, dont deux auxquels il faut accorder une attention particulière. Une des principales difficultés auxquelles ces agences devront faire face réside dans la baisse des fonds structurels lors de la prochaine programmation. Bonne élève de l’Europe pour la gestion des FESI et bénéficiant du statut de «nouvel entrant », la Pologne jouit pour la programmation actuelle d’une somme assez conséquente à investir : pas moins de 82,5 milliards d’euros, soit plus de 350 milliards de zlotys. Cependant, il est plus que probable que les structures bénéficient de moins en moins de fonds après 2020. Il s’agit d’une véritable problématique pour le NCRD, responsable en tant qu’organisme intermédiaire, de 7 milliards d’euros- soit les deux tiers de son budget. Afin de compenser cette baisse, ses membres misent sur une hausse de l’investissement privé dans la RDI que le centre essaie d’encourager. Or, à l’heure actuelle, l’investissement privé ne représente que 39% des sommes mobilisées pour la RDI.

Le second défi tient à la participation des acteurs pertinents aux programmes de RDI européens, notamment les volets d’Horizon 2020. A cette fin, le NCRD a mis en place un système précurseur du Seal of Excellence de la Commission européenne : les projets non retenus mais ayant un bon niveau peuvent obtenir des financements à l’échelle nationale. En effet, même si Pologne a participé à plus de 4 000 projets dans le cadre du 7ème PCRD, son taux de participation rapporté à la population de chercheurs reste un des plus faibles de toute l’Europe (18) .

Références (1) Marcin Piatkowski, How Poland Became Europe’s Growth Champion: Insights from the Successful Post-Socialist Transition, Brookings, 11 février 2015, http://www.brookings.edu/blogs/future-development/posts/2015/02/11-poland-post-socialist-transition-piatkowski (2) http://ec.europa.eu/growth/industry/innovation/facts-figures/scoreboards/index_en.htm (3) European Commission, Innovation Union Scoreboard 2015, p. 15. (4)Ibid. (5)http://ec.europa.eu/europe2020/europe-2020-in-a-nutshell/targets/index_fr.htm (6)http://ec.europa.eu/growth/industry/innovation/facts-figures/scoreboards/index_en.htm (7)European Commission (n 3) p.15 (8)http://ec.europa.eu/economy_finance/graphs/2014-10-06_poland_success_story_en.htm (9)Marcin Piatkowski, (n 1) (10) http://www.worldbank.org/en/news/opinion/2014/08/19/avoiding-the-middle-income-trap-in-poland (11) http://www.global-economic-symposium.org/knowledgebase/escaping-the-middle-income-trap (12) http://www.tradingeconomics.com/poland/gdp-growth (13)http://en.parp.gov.pl/organisational-structure (14)http://www.ncbir.pl/en/about-the-centre/ (15)http://www.ncbir.pl/en/about-the-centre/ (16)http://s3platform.jrc.ec.europa.eu/documents/20182/89832/Web_National+Smart+Specialisation+in+Poland+-+summary+30June2014.pdf/d9513211-7525-4845-b127-92e433f7fe38 (17) https://www.mr.gov.pl/media/14909/ResponsibleDevelopmentPlan_pressrelease.pdf (18)http://cordis.europa.eu/pub/focus/docs/supplement_pl_insert_en.pdf