Cela faisait donc plus de cinq ans que les renvois prévus par l’accord de Dublin étaient suspendus quand, le 8 décembre 2016, la Commission européenne a décidé qu’il était temps de rétablir un « fonctionnement normal » du système de répartition des candidats à l’asile dans l’UE, en autorisant de nouveau les États membres à renvoyer, à partir de mars 2017, les demandeurs d'asile vers la Grèce conformément à l'accord de Dublin.

De quoi s’agit-il ?
Les « dublinés » sont ces demandeurs d’asile soumis à la procédure de Dublin, laquelle permet leur renvoi vers le premier pays européen dans lequel ils ont été enregistrés en entrant dans l’Union européenne. Ce principe, modifié à plusieurs reprises, remonte au 1er septembre 1990, date de l’entrée en vigueur de la convention de Dublin. Son but était d'empêcher les personnes de demander l'asile dans plusieurs pays et de choisir leur destination en fonction de ses avantages réels ou supposés. Vingt-six ans plus tard, son caractère inéquitable est manifeste puisqu'il a pour conséquence de faire porter la majeure partie de la responsabilité de l’asile sur les pays situés au pourtour de l’Union européenne.

Inscrite dans la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers, la possibilité donnée aux préfectures d’assigner à résidence les réfugiés « dublinés » (L 742-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile) est passée relativement inaperçue lors des débats au Parlement il y a un an.
Elle produit aujourd’hui dramatiquement ses effets : empêchées de demander l’asile en France, ces personnes vivent dans la peur d’être expulsées vers un pays européen dans lequel elles n’ont pas trouvé leur place.

Au cours des derniers mois, le nombre d'exilés relevant de la procédure de Dublin a fortement augmenté en France : selon la Direction générale des étrangers (DGE), ils représentent désormais 35 % des demandeurs d'asile (65 000 au total en métropole sur les onze premiers mois de l'année), contre 15-20 % en moyenne auparavant. Leur situation est détectée lorsqu’ils se rendent en préfecture pour demander l'asile : leurs empreintes digitales sont alors entrées dans la base de données Eurodac, qui conserve et partage l’historique des traces des interpellations dans l’UE à l’occasion du franchissement illégal d’une frontière ou d’un séjour irrégulier. Le nombre de correspondances, est passé de 18 000 en 2015 à 40 000 en 2016, soit une hausse de plus 122 % sur un an (certaines personnes étant identifiées plusieurs fois).
Quand une correspondance est constatée, les réfugiés sont susceptibles d’être renvoyés là d'où ils viennent.
Ils ne sont dès lors pas autorisés à demander l’asile en France, sauf si leur réadmission échoue : au bout de six mois s’ils se sont présentés régulièrement aux autorités, au bout de dix-huit mois dans le cas inverse.
En attendant, les préfectures les assignent à résidence, manière d’assurer leur surveillance.

Le nombre de personnes soumises à la procédure de Dublin s’envolant, le nombre d’assignations à résidence augmente mécaniquement.
En renversant la perspective, la recommandation de Bruxelles a suscité de vives réactions du côté des ONG.
Force est de constater que la question migratoire n’est abordée que sous l’angle du renforcement des frontières, des contrôles, de la lutte contre l’immigration clandestine. Les mots « accueil », « intégration », « formation » ne font plus partie du lexique européen, alors que plus d’un million de réfugiés sont arrivés l’an dernier sur le continent et que l’heure n’est plus à la gestion d’une situation d’urgence, mais bien à l’installation durable de ces populations dans les différentes sociétés européennes.

En somme c’est la stratégie des égoïsmes nationaux qui semble légitimée au plus haut niveau européen. Depuis un an, un certain nombre de pays en Europe freinent leurs initiatives vis à vis de la politique des quotas. Les États membres continuent de recourir à un mécanisme foncièrement déséquilibré. À l’occasion de naufrages au large de l’île italienne de Lampedusa et des traversées périlleuses de Syriens et d'Afghans via la mer Égée, plusieurs dirigeants européens avaient promis de « partager le fardeau ». En vain.
Le plan de relocalisation est un échec car seuls 8 162 demandeurs d’asile ayant débarqué en Grèce ou en Italie, sur les 160 000 prévus, en ont bénéficié depuis l’été 2015.
De plus, la "droitisation" de l'Europe centrale a pour effet de rendre encore plus improbable l'ébauche d'une solution durable sur la question des réfugiés. Et c'est précisément la Slovaquie, pays qui est allé jusqu'à la Cour européenne de justice pour contester le système de “quotas” de répartition des réfugiés, qui a pris, le 1er juillet dernier eu jusqu'à janvier 2017, la présidence tournante de l'Union européenne.

Sources :

http://www.touteleurope.eu/les-politiques-europeennes/immigration-et-asile.html
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-16-4281_fr.htm
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCode.do;jsessionid=5EA174901865BDCF336A4CBF83AAC615.tpdila15v_2?idSectionTA=LEGISCTA000030957657&cidTexte=LEGITEXT000006070158&dateTexte=20161221
https://www.amnesty.fr/refugies-et-migrants/actualites/grece-quand-lue-ne-prend-pas-sa-part-de-responsabilite
https://fr.wikipedia.org/wiki/Reconduite_à_la_frontière_(France)#/media/File:Solidarité_sans_papiers.jpg