Bien entendu, l’écart entre les salaires minimums des différents pays qui sont pourvus est colossal: de 215€ en Bulgarie à plus de 1900€ au Luxembourg, tous les salariés européens ne sont pas logés à la même enseigne. Et l’évolution dans le temps est également très variable. Ces deux points sont bien entendu liés au niveau de vie du pays ainsi qu’à son histoire: le coût de la vie est incomparablement plus élevé au Luxembourg qu’en Bulgarie, et l’histoire économique récente de la Grèce, par exemple, explique la chute brutale du salaire minimum en 2012.

Malgré toutes ces particularités locales, qui montrent bien que chaque pays a toute latitude pour gérer son salaire minimum selon ses propres préférences, les pays cités plus haut sont toujours farouchement opposés à l’introduction de cette obligation dans tous les pays membres. Le débat acharné qui eut lieu en Allemagne entre 2013 et 2015 nous a rappelé certains des arguments les plus courants contre celui-ci: c’était inutile car des salaires minimums étaient garantis par des accords de branche, et une augmentation des salaires entraînait une augmentation des coûts pour les employeurs qui devait mener soit à une augmentation des prix, soit à des licenciements, soit à l’absence de création d’emploi. Un an après l’introduction de ce salaire minimum, on commentait déjà les premiers résultats : le chômage n’avait pas augmenté, l’inflation n’était pas supérieure à l’année précédente, quant aux emplois non créés ou supprimés, difficile de juger lesquels étaient à rapprocher de la conjoncture ou de l'introduction du salaire minimum. Un chiffre clair: au 3e trimestre 2015, les salaires en Allemagne avaient augmenté de 2,4% par rapport au 3e trimestre 2014.

Un rapport du Parlement européen, porté par Maria João Rodrigues, eurodéputée socialiste et ancienne ministre portugaise à l’Emploi, souhaite pousser la Commission européenne à demander aux pays réticents de sauter le pas. En effet, celle-ci doit proposer dans deux mois de nouvelles règles sur la sécurité sociale qui doivent inclure des recommandations sur les conditions de travail et les salaires. Le rapport de Mme Rodrigues a été approuvé ce 19 janvier par 396 voix pour, 180 contre et 68 abstentions. Une large majorité, donc, mais tout n’a pas été validé: suite à l’opposition du PPE, il n’est plus demandé que soit évalué le salaire de subsistance dans chaque pays, ni que le salaire en question soit fixé au minimum à 60% du salaire moyen. Cette dernière disposition est donc repoussée pour la deuxième fois en quelques mois.

Suite à l’approbation de ce rapport, la commissaire européenne aux Affaires sociales, Marianne Thyssen, a fait clairement savoir qu’elle ne forcerait personne à légiférer, cette question relevant de la souveraineté de chaque état, mais elle a également exprimé ses encouragements explicites à le faire.

Même si le SMIC européen n’est pas pour demain, on semble bien engagés dans un processus qui y mènera à moyen ou long terme. La seule question est donc de savoir combien de temps les lobbyistes et les conservateurs réussiront à gagner avant son introduction.