erdogan-2215259_640.jpg

« La Turquie est la représentante de la conscience internationale ». Recep Tayyip Erdogan, président turc, n’a pas pesé ses mots au moment d’accuser directement l’Arabie Saoudite de l’assassinat de Khashoggi. La Turquie s’est placée en donneur de leçons sur la scène internationale, un donneur de leçons qui mérite un rappel à l’ordre sur le plan européen.

Le pays d’Erdogan est champion d’Europe depuis 2004… du nombre de condamnations à son encontre à la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Un chiffre en constante stagnation avec 154 en 2004 et 116 en 2017. Mieux encore, depuis la création de ces statistiques, en 1959, la Turquie est en tête du nombre de violation par article de la CEDH à plus de 3300, loin devant l’Italie et la fédération de Russie. Les violations de prédilection sont la protection à la propriété, le droit à la liberté et la sûreté et bien sûr le droit à un procès équitable.

Une justice remise en question

Depuis le putsch raté de 2016, Recep Tayyip Erdogan n’a de cesse de violer les droits de l’Homme. Suite au putsch, plus de 25 000 personnes ont été arrêté dans le cadre d’une purge menée par le président. Une purge qui mène à des incompréhensions, et des procès bâclés quand il y en a un. Militaires, enseignants et journalistes sont en proie à ces formes de procès. Mehmet Altan et Sahin Alpay, deux journalistes accusés de lien avec des organisations terroristes, « une décision arbitraire » rétorque la Cour. Le journal d’opposition Cumhuriyet a subi les mêmes foudres que les deux journalistes et a cédé en changeant de ligne éditoriale. Pour Osman Kavala, homme d’affaires et membre fondateur du conseil de l’Europe, le procès n’a pas eu lieu. Depuis plus d’un an, il est enfermé pour avoir tenté de « renverser le gouvernement » par « la force ou la violence ». « Une année d’enquête et le juge n’a rien, le dossier est vide », s’exaspère Köksal Bayraktar, conseiller de l’accusé. Le mécène est un proche des groupes pour un Etat de droit, proche de la reconnaissance du génocide arménien et surtout proche d’une réconciliation avec les Kurdes.

Le tabou Kurdes

Les Kurdes sont le sujet par excellence pour désigner l’exaspération de la CEDH vis-à-vis de la Turquie et du respect des droits de l’Homme. Une exaspération partagée par les Kurdes eux-mêmes qui ont manifestés devant le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Une manifestation Kurdes à Strasbourg avec des milliers de manifestants réclamant la libération de Kurdes en Turquie et protestant contre les conditions de détention du leader du PKK, parti Kurdes, Abdullah Öcalan. Mais, l’évènement le plus retentissant est la décision de la CEDH à l’encontre de la Turquie pour la libération de Selahattin Demirtas. Selahattin Demirtaş est un Kurde siégeant à la Grande assemblée nationale de Turquie sous le HDP (Partir Démocrate du Peuple), la branche parlementaire Kurdes. Tout comme les autres, il fut arrêté à la suite du putsch raté. Mis en détention provisoire, la CEDH a délibéré sur la violation de l’article 5 et 3, « le droit d’être aussi tôt traduit devant un juge » (CEDH). Si la Cour décrit comme « raisons plausible » de détention, elle insiste toutefois sur le fait que « les motifs ne sauraient être jugés comme suffisants » et ordonne donc la fin de sa détention provisoire. « Une atteinte injustifiée à la libre expression de l’opinion du peuple » (CEDH) que le président turc a tout de suite voulu étouffer en répondant que « Les décisions de la CEDH ne nous contraignent aucunement. Nous allons contre-attaquer et mettre un point final à cette affaire ». Une réponse rapidement validée par le tribunal turc le 30 novembre 2018 qui a rejeté la demande de libération de l’opposant du HDP. Des actes qui ne coïncident pourtant pas à l’homme qui déclarait en 2003 « Nous allons régler chaque problème avec encore plus de démocratie, plus de droits civils, et plus de prospérité, dans le respect de l'ordre constitutionnel ».

Sources :

Communiqué de presse Cour Européenne des Droits de l'Homme, arrêt Selahattin Demirtas contre Turquie (n°2)
Statistiques de la CEDH https://www.echr.coe.int/Pages/home...
Le Monde Le mécène Osman Kavala, prisonnier emblématique de la Turquie d’Erdogan https://www.lemonde.fr/europe/artic...
DNA Manifestation kurde à Strasbourg: des incidents en marge du cortège et une dizaine d'interpellations https://www.dna.fr/actualite/2018/1...
Le Monde La justice européenne « ordonne » à la Turquie de libérer l’opposant kurde Demirtas https://www.lemonde.fr/proche-orien...
El Pais Erdogan rechaza el fallo de Estrasburgo para liberar al líder kurdo https://elpais.com/internacional/20...
Le Taurillon TURQUIE : LA CEDH CONDAMNE LA DÉRIVE AUTORITAIRE MENÉE PAR ERDOGAN https://www.taurillon.org/turquie-l...
Le Monde Turquie : la demande de libération de l’opposant kurde Demirtas rejetée https://www.lemonde.fr/internationa...