Rackham le Rouge et le Cap’taine Crochet peuvent bien aller se rhabiller. Chevelure décontractée, sweat-shirt noir à capuche, des ordinateurs et tablettes dernier cri en guise de dague ou de pistolet, voici à quoi ressemblent les jeunes et ambitieux Pirates des années 2000.

Fondé le 1er janvier 2006, le premier parti pirate, le Piratpiet, est suédois. Il est né de la protestation de jeunes Suédois face à la condamnation des créateurs de The Pirate Bay, un des plus grands sites d’échange de fichiers torrents qui se revendiquait être le défenseur de la liberté des internautes. Les premiers chevaux de bataille du Piratpiet sont la réforme des droits de la propriété intellectuelle et de la propriété des œuvres. Fort de sa popularité grandissante auprès des jeunes, le mouvement s’est étendu très rapidement et l’on a assisté à un bourgeonnement de déclinaisons nationales dans la plupart des pays européens. En France, le Parti Pirate s’est construit en opposition à la loi DADVSI relative au droit d’auteur et droit voisin dans la société d'information, qui fut adoptée sous le gouvernement De Villepin le 3 août 2006. Son texte prévoit notamment jusqu’à six mois de prison et 30000 euros d’amende pour toute personne diffusant ou facilitant la diffusion d’un logiciel permettant de casser les mesures techniques de protection des œuvres culturelles. Or, le programme des partis pirates se fonde justement sur la libre circulation des produits culturels en prônant l’instauration d’un système de « mécénat global », qui permettrait aux Français de financer directement leurs artistes préférés, tout en contournant les maisons de disques et les sociétés de répartition des droits. Le Parti pirate milite également pour la protection des libertés individuelles, combat qui s’est concrétisé par son opposition à la loi LOPPSI 2 adoptée en mars 2011. Sur fond de lutte contre la cyber-criminalité, cette loi permet entre autres à la police d’utiliser tout moyen, physiquement ou à distance, pour s’introduire sur les ordinateurs et en extraire des données dans diverses affaires, ce qui a galvanisé les Pirates français.

A l’assaut des scrutins législatifs de leurs pays respectifs depuis quelques années, les pirates européens commencent à gagner quelques batailles. Alors que le Parti Pirate français reste pour l’instant à un état embryonnaire, les Pirates suédois et allemands ont le vent en poupe. En 2009, le Piratpiet a réçu 7,1% des suffrages lors d’un scrutin européen, ce qui a permis l’entrée en fonction du premier eurodéputé pirate, Christian Engström, puis d'une seconde, Amelia Andersdotter, suite à l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne. Plus récemment, les Pirates berlinois ont également frappé fort: le 18 septembre 2011, lors des élections régionales, ils s’approprient quinze sièges au Parlement du Land de Berlin, ce qui les propulse devant les libéraux du FDP et juste derrière le parti de gauche Die Linke.

Bien sûr, les voix des partis ténors du Parlement européen s’élèvent et critiquent. « Les Pirates pointent les failles, « trollent » le gouvernement, et jouent les partis d’opposition », dit-on. Pourtant, ils portent un réel projet politique. Celui d’une « démocratie liquide » qui consiste selon eux « à revenir aux fondamentaux de la démocratie en permettant aux gens de participer directement au processus politique ». Tout leur projet passe par la mise en œuvre d’un outil tout neuf et qui commence à faire ses preuves en Autriche, Suisse, Brésil : il s’agit du site internet LiquidFeedback. Tout en s’interdisant de se ranger dans une couleur politique ou d’entrer dans quelque coalition ou alliance, les Pirates défendent également d’autres idées telles que la création d’un salaire minimum vital, la dépénalisation du cannabis, la gratuité des transports publics ou la nationalisation de la distribution d’eau et de l’électricité. Certaines de ces idées sont d’ailleurs relayées par les Verts, le troisième parti le plus important en Allemagne. Alors, plutôt que de considérer ces Pirates comme de jeunes adolescents rebelles, ne devrions-nous pas les voir comme un moteur d’idées nouvelles en pleine croissance?

Amélie et Stephany

Sources:

- Site Officiel du Parti pirate: http://partipirate.org/blog/index.php

- "Loi n° 2006-961 du 1 août 2006 relative au droit d'auteur et aux droits voisins dans la société de l'information (1)", Legifrance, http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000266350&dateTexte=, 14/06/2011

- "PROJET DE LOI d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.", Assemblée nationale, http://www.assemblee-nationale.fr/13/rapports/r2271-a0.asp, 27/01/2010

"Le parti pirate rêve d'un destin à l'allemande", Le Figaro.fr, http://www.lefigaro.fr/hightech/2011/09/20/01007-20110920ARTFIG00541-le-parti-pirate-francais-reve-d-un-destin-a-l-allemande.php, 20/09/2011

"Le parti pirate allemande, en hausse, compte plus de 18000 membres", Numerama, http://www.numerama.com/magazine/20832-le-parti-pirate-allemand-en-hausse-compte-plus-de-18-000-membres.html, 06/12/11