Le 12 novembre 2013, la chancelière Angela Merkel a pu reprendre son souffle pendant les difficiles négociations avec le SPD grâce à la conférence pour l'emploi des jeunes à Paris. Elle a ainsi pu faire oublier pour un bref instant toutes les questions auxquelles elle doit faire face actuellement en Allemagne, comme la mise en place d'un salaire minimum pour lutter contre le dumping salarial ou les mesures pour les égalités des chances hommes/femmes et l'égalité des salaires, et a brillé sur la scène européenne.

Depuis le conseil européen du 27 juin 2013 à Bruxelles(i), consacré aux emplois des jeunes en Europe, Merkel a pris les commandes du programme de lutte contre le chômage des jeunes. En organisant la première conférence à Berlin sur ce thème, mais aussi en jouant un rôle de modèle socio-économique au conseil européen des 24-25 octobre(iii) et à la deuxième conférence à Paris le 12 octobre(iv), elle a su se mettre au centre de l'attention médiatique. Mais pourquoi cet intérêt soudain pour le chômage des jeunes ? Certes, on peut dire que l’Allemagne comme membre de l'Union européenne doit s'assurer de la stabilité économique de l'Europe. Mais est-ce le seul motif pour une telle implication de la part d'Angela Merkel ? Il y a en effet une certaine asymétrie entre la mise en place d'une « garantie jeunes », qui promet que tous les chômeurs de moins de 25 ans vont « se voir proposer, dans un délai de quatre mois, une offre de bonne qualité portant sur un emploi, un complément de formation, un apprentissage ou un stage »(v) au niveau européen, et le rejet pendant sa campagne pour les élections du Bundestag 2013 des mesures comme le salaire minimum, qui profiterait fortement à la jeunesse d'Allemagne.

L’été dernier, Madame Merkel devait faire face à des reproches récurrents d'absence de mesures à portée sociale dans son programme (reconnues comme le point fort du SPD, le parti d'opposition). Elle a donc choisi de faire du chômage de la jeunesse son cheval de bataille. Seul problème : le taux du chômage des jeunes est faible en Allemagne (7,7%(vi)). Au niveau national, elle aurait seulement pu s'attaquer à la question difficile des inégalités, dans laquelle l’Allemagne reste en retard.(vii) En effet, l'International Institute for Labour Studies a publié le 3 juin 2013 une étude concernant le marché du travail en Allemagne concluant que la qualité du travail n'a pas augmenté malgré la baisse du nombre des chômeurs. Les chiffres de l'emploi à titre transitoire, à temps partiel involontaire et à bas revenu aura même augmenter.(viii)

Trois semaines plus tard, lors de la conférence de presse nationale pour le conseil européen du 27 juin, Angela Merkel avoua, suite à une question de Kai Niklasch (correspondant pour le ZDF à Bruxelles), que dans la « garantie jeunes » vont être comptés les emplois durables dans l'économie réelle, toutes les mesures de la politique de l'emploi comme les apprentissages, mais aussi les (fâcheuses) mesures de création d'emploi comme le Ein-Euro-Job en Allemagne, des emplois avec un soutien financier de l’État et des stages (plus au moins payés selon l’État), comme on le fait déjà pour les chiffres du chômage en Allemagne(ix). D'après elle, il ne faudrait pas éveiller de faux espoirs.(x) La « garantie jeunes » est donc seulement une promesse politique pour changer l'image de la politique européenne. La « garantie jeunes » et son délai d'attribution forcé (4 mois), risque de mener à des attributions arbitraires et inadéquates de formations et d'emplois par les agences d'emploi. Elle va donc aggraver la situation d'inégalité en Allemagne et dans toute l'Europe. Mais Madame Merkel a préféré ne pas parler des faiblesses du système allemand : son fameux partage d’expérience au niveau européen ne vaut pas pour les questions sensibles.

Angela Merkel a su trouver comment briller même dans les questions sociales, en approchant la question du problème du chômage des jeunes non d'un point de vue national, mais européen et européen seulement. Elle s'est continuellement mise en comparaison directe avec les autres États membres de l'Union Européenne afin de camoufler les faiblesses du système allemand et d'apparaître comme gagnante de la comparaison. La chancelière sacrifie ainsi la jeunesse sur l'autel de l'image politique.

H.Walter







(i) http://www.european-council.europa.eu/council-meetings?meeting=f09c58bc-2f8e-41a7-b2f8-22eb4f31fcbf&lang=fr&type=EuropeanCouncil

(ii) http://tvnewsroom.consilium.europa.eu/event/berlin-conference-on-youth-employment/joint-press-conference-qa1#event-media

(iii) http://www.european-council.europa.eu/home-page/highlights/european-council-focus-on-the-the-digital-economy?lang=en

(iv) http://tvnewsroom.consilium.europa.eu/event/paris-conference-on-youth-employment/press-conference-part-2235

(v) http://www.consilium.europa.eu/homepage/showfocus?lang=fr&focusID=92645

(vi) http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/-dgreports/-dcomm/documents/briefingnote/wcms_214518.pdf



(vii) http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/05/28/le-faible-chomage-des-jeunes-en-allemagne-un-miracle-en-trompe-l-il_3419557_3234.html

(viii) http://www.ilo.org/wcmsp5/groups/public/-dgreports/-dcomm/documents/briefingnote/wcms_214518.pdf

(ix) http://www.connexion-emploi.com/fr/a/le-chomage-en-allemagne-et-en-france-une-question-de-calcul

(x) http://tvnewsroom.consilium.europa.eu/event/european-council-june-2013-day-2/national-briefing-germany-part-2-qa13#event-media