Madame Mogherini peine à se faire entendre au milieu de quantités d’arguments et d’intérêts nationaux puissants qui contrecarrent en ce moment l’idée d’une véritable diplomatie européenne. Si tout le monde s’accorde à dire qu’il est indispensable de voir s’améliorer les relations avec la Russie, les actes semblent moins évidents que les paroles.

Effectivement, les Etas membres n’arrivent pas à se mettre d’accord sur l’avenir des sanctions imposées à la Russie. L’UE, par la voix du service diplomatique, appelle à un allègement des sanctions, pas seulement économiques mais aussi politiques. Normaliser les relations avec Poutine permettrait d’envisager une coopération d’envergure pour la résolution de la crise syrienne, de la crise libyenne, des conflits au Moyen-Orient en général et l’avancement des négociations sur le nucléaire iranien, sujets sur lesquels la Russie est très influente. L’avoir de son côté est un réel atout pour l’Europe. C’est pourquoi Federica Mogherini a déclaré « qu’Il nous faut ouvrir un débat avec Moscou à propos de nos relations mutuelles et du rôle que la Russie peut jouer dans d’autres crises »². De plus, Moscou semble faire des efforts : l’Union « voit des signes d’apaisement dans le conflit ukrainien » où la situation est meilleure qu’auparavant même si « les progrès restent limités»³. Mogherini espère que ce changement d’attitude favorisera l’ouverture au dialogue entre l’Occident et Poutine.

D’un côté, plusieurs pays sont favorables à l’allègement des sanctions (Autriche, Hongrie, Italie, Chypre, Slovaquie, France et République Tchèque). Pour certains, cela n’est pas dénué d’intérêt. Certes, depuis quelques mois, la France s’impose comme le fer de lance de la diplomatie européenne, mais n’oublions pas qu’elle doit livrer deux navires Mistral à la Russie, dont un qui attend encore de quitter le port de Saint-Nazaire. L’enjeu est donc primordial pour François Hollande s’il ne veut pas voir s’écrouler une autre partie du secteur industriel français déjà mis à mal.

De l’autre côté, les pays Baltes, la Pologne et surtout l’Allemagne s’opposent à toute levée des pénalités. Tant que Moscou ne respectera pas le protocole de Minsk signé en septembre, il est hors de question d’envisager ne serait-ce qu’on allègement des mesures punitives, point sur lequel insiste également Federica Mogherini. Plus encore, Angela Merkel a expliqué «que les sanctions ne seraient levées que si la Russie abandonnait les territoires conquis en Ukraine»⁴.

Cependant, la récente dégringolade du rouble amène les Européens à réfléchir à la question des sanctions économiques. Effectivement, si l’économie russe résiste - difficilement- pour le moment, « les sanctions posent un problème considérable » et une crise en Russie « ne ferait que créer des problèmes supplémentaires⁵». Nombreux sont les pays membres à posséder des intérêts en Russie et une crise économique serait préjudiciable à tous.

Pour discuter de l’avenir des relations entre Le Kremlin et Bruxelles, finalement conditionnées par les sanctions européennes, Federica Mogherini présidera ce lundi 19 janvier 2015 une réunion avec les ministres des affaires étrangères des pays membres. Si aucune décision majeure ne devrait être prise, la ligne politique à suivre va être discutée car les sanctions doivent prendre fin en mars, un an après leur mise en place, alors il faudra décider de leur maintien ou de leur suppression.

Encore une fois, le défi s’annonce coriace pour Federica Mogherini : comment réussir à faire parler 28 Etats d’une seule voix alors que ces derniers divergent sur les mesures à prendre ? L’avenir des relations de l’Europe avec la Russie repose en partie sur ses épaules et elle va devoir convaincre tout le monde que les sanctions ne sont pas une solution. Durant les six prochains mois, l’Italienne travaillera à ce dessein avec la Lettonie⁶ qui vient de récupérer pour la première fois la présidence de l’UE. Si Edgars Rinkēvičs, le ministre letton des affaires étrangères, reconnait lui aussi de la bonne volonté de la part de Poutine, son pays est plutôt de ceux qui veulent maintenir les sanctions. Reste à savoir dans quelles proportions lui aussi, de même que tout les Etats membres, engageront des efforts pour soutenir Madame Mogherini dans la réalisation de ses ambitions et dans sa volonté d’unité diplomatique européenne.



Sources :

¹ http://fr.ria.ru/presse_russe/20141230/203341123.html

² http://eubulletin.com/3845-eus-mogherini-wants-a-new-debate-with-moscow.html

³ https://euobserver.com/foreign/127056

⁴ http://www.themoscowtimes.com/news/article/eu-says-russia-showing-some-signs-of-new-approach-on-ukraine/514142.html

⁵ https://euobserver.com/foreign/127056

⁶ http://www.irishtimes.com/news/world/latvians-say-eu-presidency-will-not-be-anti-russian-1.2059539

http://www.themoscowtimes.com/news/article/merkel-says-russia-sanctions-must-stay-until-minsk-agreement-fully-met/514140.html

http://www.theguardian.com/world/2015/jan/08/eu-leaders-russia-putin-breakthrough-ukraine

http://itar-tass.com/en/world/770830

http://sputniknews.com/europe/20150114/1016897658.html

http://itar-tass.com/en/world/771324

http://www.lesechos.fr/monde/europe/0204085390941-lunion-europeenne-planche-sur-une-relance-du-dialogue-avec-la-russie-1083672.php