Cuba était le seul pays d'Amérique Latine et des Caraïbes à ne pas avoir d'accord de coopération avec l'Union Européenne. Cet accord est l’aboutissement de deux ans de négociations entre l'Union et la Havane, dans le sillon du rapprochement des États Unis avec l'île. Il a premièrement fallu que le Conseil de l'Union européenne, qui représente les États membres, abroge la « position commune ». Ensuite, la Commission a mis en place cet "accord de dialogue politique et de coopération" qui a été officiellement signé entre l'UE et Cuba en octobre dernier. Il reste maintenant l'étape de la ratification par le Parlement européen ainsi que les Parlement nationaux, étapes sur lesquelles les opposants à cet accord espèrent peser.

Cet accord sera la base légale des relations entre l'UE et l’île castriste. Le but est, à terme de permettre aux entreprises européennes de se positionner sur le marché cubain. Il est divisé en 3 parties. Tout d'abord un dialogue politique, qui couvre les questions comme les droits de l'homme, la démocratie, la stabilité et sécurité internationale et régionale, la lutte contre les drogues, les migrations, et les armes de destruction massives. Ensuite une partie sur la coopération, pour identifier les secteurs de coopération, comme le développement durable par exemple. Enfin, un chapitre économique et commercial, pour faciliter les échange, mais il n'est pas question d'un traité de libre échange. Avec cet accord, l'idée de l'UE est d'accompagner le processus de modernisation et le renforcement graduel des libertés fondamentales et de droits de l'homme. En effet, l'UE considère que ce n'est pas en bloquant tout contact que cela poussera le régime à faire des progrès, au contraire. Le point d’achoppement se trouve dans le fait que ce nouvel accord, s'il établit un dialogue sur les droits de l'homme, n'établit pas de conditions spécifiques à atteindre. Cependant, l'accord donne aux diplomates et responsables européens le droit de soulever la question des droits de l'homme directement auprès de leurs homologues cubains, et de faire pression en faveur de réformes. Certains y voient une baisse des exigences démocratiques de l'Union pour faire prospérer le commerce entre les deux entités, l'UE étant le troisième partenaire commercial de Cuba (des relations économiques s'étant établies entre les pays de l'UE dans leur individualité et non au nom de l'UE) après le Venezuela et la Chine, et le principal investisseur étranger de l’île.

Les opposants crient à la « naïveté » de la part de l'UE de croire que le développement économique apportera la démocratie et le respect des droits de l'homme. Ce serait même le contraire selon l'opposition cubaine et des organisations de défense des droits de l'homme. En effet, de nombreuses ONG comme la Plateforme européenne des libertés (PEL) notent une intensification de la répression politique depuis les négociations entre les États Unis et Cuba. D'après l'ONG, cette hausse de la répression pourrait s'interpréter comme « étant le résultat d'une confiance accrue du gouvernement après qu'il a établi avec succès des relations avec la communauté internationale sans avoir à changer quoi que ce soit dans son système politique».

Les opposants ne demandent pas l'abandon de cet accord mais souhaitent y inclure des exigences de contreparties concrètes de la part de Cuba en termes de droits de l'homme. L'opposition cubaine milite fortement pour l'inclusion de ce type de clause. Selon Guillermo Fariñas, un dissident cubain ayant reçu le prix Sakharov de l'UE en 2010, l'accord ne va pas permettre à Cuba de mettre en place une transition vers la démocratie. Il déplore d’ailleurs le fait que l'opposition cubaine ainsi que la société civile n'aient pas été consultés par l'UE lors de la rédaction de l'accord. L'opposition cubaine est venue à Strasbourg en octobre pour demander au Parlement de ne pas signer cet accord. Elle demande la renégociation des réserves du traité qui incluraient des garanties pour la protection de l'opposition pacifique et les droits de l'Homme. Parallèlement à cette initiative, un groupe de civils cubains a écrit une lettre à Federica Mogherini, Haute représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, demandant à ce que la ratification de l'accord par le Parlement européen et les Parlements nationaux soit liée à des mesures concrètes comme la fin de la répression politique, la tenue d'élections libres et la ratification des accord internationaux sur les droits de l'homme, entre autres. Dernière initiative, la Fondation pour l'analyse et les études sociales, la FAES, organisme espagnol à but non lucratif présidé par José Manuel Aznar, ancien premier ministre espagnol, demande à ce que les parlements nationaux de l'UE freinent l'accord s'il ne produit pas d'avances en ce qui concernent les droits de l'homme et les liberté à Cuba.

L'Union européenne, face à ces critiques se retrouve dans une position délicate. S'il est vrai que l'inclusion de clauses contraignantes sur les droits de l'homme et les avancées démocratiques semble importante, notamment pour ne pas donner l'impression de faire passer les intérêts économiques avant les valeurs clés de l'Union, il semblerait peut probable que le régime cubain signe un accord plus contraignant que celui-ci. Or, comme le montrent les 20 années de "position commune", un arrêt total des liens ne semble pas porter ses fruits en poussant le régime à se démocratiser pour sortir de son isolement.

Un équilibre qui va être difficile à trouver pour l'UE, mais qui pourrait, s'il se concrétise, être porteur de véritables avancées.

Sources : http://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/0211586900256-lue-et-cuba-signent-un-accord-politique-historique-2049891.php

http://www.lavanguardia.com/politica/20161126/412182622945/la-ue-y-cuba-encaminadas-a-normalizar-sus-relaciones-y-potenciar-cooperacion.html

http://www.liberties.eu/fr/news/human-rights-focus-in-eu-cuba-negotiations-must-be-revisited

http://ph-tribune.com/eu-mogherini-rejects-democrats/

https://www.lorientlejour.com/article/1022371/lue-tourne-la-page-des-mauvaises-relations-avec-cuba.html

http://www.consilium.europa.eu/en/press/press-releases/2016/12/06-eu-cuba-relations/

http://cubarights.blogspot.fr/2016/12/bruno-rodriguez-y-federica-mogherini.html

http://www.expansion.com/actualidadeconomica/analisis/2016/12/26/58615070e2704e8e348b45a5.html