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Cette phrase renvoie à deux réalités. Premièrement, M. Verhofstadt évoque les « clés » de l’Europe : ceci dénote non seulement un enjeu de souveraineté interne pour l’UE et pour chacun des Etats membres, mais aussi un enjeu historique et moral indissociable de la destinée de l’UE : l’article 18 de la Charte des droits fondamentaux de l’UE garantit en effet le droit d’asile. Deuxièmement, l’eurodéputé centriste emploie l’expression « sultan » (monarque musulman) pour désigner M. Erdogan. Il fait en ce sens référence à sa gestion autoritaire de la Turquie, et éventuellement à sa position controversée vis-à-vis de minorités comme les Kurdes ou les Yézidis.

La remarque de M. Verhofstadt a cette particularité frappante qu’elle possède un caractère prophétique : suite au coup d’Etat manqué de juillet 2016, R.T. Erdogan a lancé une purge sans précédent, violant à plusieurs reprises la liberté de la presse, la liberté d’opinion ou encore le droit à un procès équitable contenus dans la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH).

À partir de ce moment, l’UE et sa haute représentante pour les affaires extérieures Federica Mogherini se sont retrouvées confrontées face à une question délicate : comment condamner avec fermeté les violations faites aux droits de l’Homme dans la mesure où la Turquie est, dans le contexte de la crise migratoire, un partenaire indispensable ?

Ainsi, l’on peut considérer que G. Verhofstadt faisait preuve d’une bonne intuition lorsqu’il déclarait que la délégation d’une telle prérogative à la Turquie allait déposséder les Etats européens d’une partie de leur libre-arbitre ; d’autant plus que la question des migrations est aujourd’hui fondamentale car conduite à perdurer. Au lieu de confier une telle tâche à la Turquie, l’UE devrait avoir pris le temps d’en élaborer la gestion équilibrée, claire, praticable et en accord avec les droits et libertés fondamentales inscrites dans la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Il s’agit de la responsabilité de l’Europe face à l’Histoire.

Même si pour Angela Merkel l’adhésion de la Turquie à l’UE n’est « pas à l’ordre du jour », il est à mon sens impératif pour les dirigeants européens d’être vigilants et de se préparer à une éventuelle rupture de l’accord UE-Turquie. Il se peut en effet que la Turquie franchisse un jour « la ligne jaune » et que toute coopération soit remise en cause.

Sources :

https://www.rtbf.be/info/dossier/drames-de-la-migration-les-candidats-refugies-meurent-aux-portes-de-l-europe/detail_guy-verhofstadt-nous-donnons-les-cles-de-l-europe-au-sultan-erdogan?id=9235366

http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/02/en-turquie-amnesty-international-denonce-la-violation-des-droits-de-l-homme-a-grande-echelle_3488489_3214.html

https://fr.news.yahoo.com/l-ue-d%C3%A9termin%C3%A9e-%C3%A0-appliquer-l-accord-sur-095605959.html