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Avant tout autre considération, il est important de constater que malgré le traité de Lisbonne signé en 2007 et ratifié en 2009, l’amélioration de la politique étrangère commune de l’UE voulue n’est pas une réussite. L’absence de leaders, une organisation institutionnelle dysfonctionnelle et un dynamisme collectif peu effectif en sont principalement la cause. Face à la tourmente croissante dans son voisinage, l’UE a abandonné l’ambition, autrefois sienne, de transformer ses voisins à son image et s’est axée sur une pratique plus défensive, mêlant stabilité et fermeté. Par ailleurs, en tant que gestionnaire de crise, l’UE a remporté quelques victoires, mais se sont ses faiblesses qui ont le plus marqué, notamment en Libye, en Syrie et en Ukraine.

De l’autre côté de l’Atlantique, comme l’avait prévenu Donald Trump pendant sa course à l’élection présidentielle, les Etats-Unis semblent progressivement tendre à se désengager des relations diplomatiques internationales. Plus que son comportement, jugé arrogant voire grossier, c’est la politique de Donald Trump qui trouble le plus ses alliés européens de Washington. “America first”, le dépassement des limites de la diplomatie sur Twitter ou la promotion d’une “souveraineté” bien personnelle sont autant de traits marquant qui, en 2017, ont conduit Donald Trump à une escalade des tensions avec la Corée du Nord, à la remise en cause de l’accord sur le nucléaire iranien, à la volonté affichée de se retirer des accords de Paris sur le climat, à la promesse d’un désengagement financier américain des organisations internationales, à des menaces répétées contre certains Etats, … Steny Hoyer, élu démocrate du Maryland estime même que “ce président affaiblit le rôle mondial de l’Amérique”. Cet automne, à la suite de la visite du président américain en Europe, l’ancien ambassadeur américain à l’OTAN, Ivo Daalder, estimait que “cela ressemble à la fin d’une ère, dans laquelle les Etats-Unis dirigeaient et l’Europe suivait”.

De nombreux aspects de la politique étrangère de Donald Trump perturbent les Etats membres de l’Union Européenne. La dernier en date est, par exemple, la décision du président américain d’installer l’ambassade des Etats-Unis en Israël à Jérusalem. Un élément important a pourtant suscité une attention relativement limitée en Europe : la diminution du soutien actif à la démocratie à travers le monde, tournant décisif loin de la position initialement tenue par les Etats-Unis.

En effet, le désintérêt apparent du président Trump pour la promotion de la démocratie et des droits de l’homme à l’échelle mondiale est un défi majeur pour la politique étrangère de l’UE. Mais c’est aussi un opportunité, et une responsabilité émergente. Un engagement européen renforcé en faveur de la démocratie mondiale pourrait constituer un remède à la perte de l’influence et du prestige international de l’UE au cours des dernières années.

Malheureusement, jusqu’à présent les dirigeants européens ont esquissé peu de signes en faveur de cette opportunité. Lors du sommet UE-Afrique de novembre, la démocratie et les droits de l'homme étaient officiellement à l'ordre du jour et les gouvernements européens ont salué la transition du pouvoir de Robert Mugabe au Zimbabwe. Mais dans des États comme l'Éthiopie, le Kenya, le Rwanda, la Somalie, le Soudan ou encore l'Ouganda, l'UE augmente son soutien aux régimes autoritaires, à la fois pour faire baisser les groupes djihadistes radicaux et endiguer les flux migratoires vers l'Europe. L'UE ne fait pas rien pour soutenir la démocratie, mais elle n’a pas eu de réaction au changement de la politique américaine.

En revanche, l'UE a commencé à réagir à d'autres changements dans les politiques étrangères et de sécurité des États-Unis. En réponse à l'ambiguïté du président américain à propos du parapluie de sécurité américain pour l'Europe, l'UE a fait des progrès notables dans la coopération en matière de défense et de sécurité. Le 11 décembre dernier, 23 des Etats-membres de l’UE ont convenu d’une coopération structurée permanente (PESC) dans le domaine de la défense, marquant une nouvelle ère dans la politique étrangère et de sécurité de l’UE. Grâce ce nouveau fonds de défense, l'UE a promis des fonds supplémentaires importants pour le développement des armes. Cette initiative devrait exercer une pression à la hausse sur les dépenses de défense des États membres. L’UE a également progressé dans sa politique commerciale internationale, recherchant des processus plus faciles pour conclure des accords commerciaux et protéger plus directement les intérêts économiques européens.

L’Union européenne ne peut plus se contenter de manier le “soft” power et elle en est consciente. Récemment, la chancelière allemande, Angela Merkel a appelé à une politique étrangère cohérente, le plus grand défi de l’UE. Alors qu’une nouvelle réforme structurelle semble assez idéaliste, la solidarité entre les Etats membres doit se construire progressivement à travers l’expérience partagée d’une action commune. L’action de l’UE doit suivre plusieurs fils rouges comme le renforcement de l’adhésion de ses Etats membres, la construction de nouvelles alliances pour préserver la gouvernance mondiale ou encore la mobilisation de l’expertise et du savoir-faire européen au service d’une plus grande capacité d’analyse stratégique et d’une meilleure utilisation des connaissances.

Sources :

- SEAE, Time to be bold : https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-homepage/37504/time-eu-be-bold-mogherini-outlines-elements-real-work-start-now-eu-security-and-defence_lv

- Euractiv, "Bad news for enemies", EU leaders officially launch defense pact : http://www.euractiv.com/section/defence-policy/news/bad-news-for-enemies-eu-leaders-officially-launch-defence-pact/

- Carnegie Europe, Is There Hope for EU Foreign Policy : http://carnegieeurope.eu/2017/12/05/is-there-hope-for-eu-foreign-policy-pub-74909

- Le Monde, Donald Trump ou la diplomatie du chaos : http://www.lemonde.fr/international/article/2017/11/03/donald-trump-ou-la-diplomatie-du-chaos_5209739_3210.html