Depuis la fin du mois de décembre dernier, de grandes manifestations contre les difficultés économiques et l’autoritarisme du régime ont eu lieu un peu partout en Iran. Pour le moment, 21 personnes auraient perdu la vie au cours de rassemblements qui ont tourné à l’affrontement avec les forces de l’ordre et plus d’une centaine d’autres seraient emprisonnées. Les évènements dans le pays sont suivis avec attention par l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis.

Deux approches opposées

Toutefois, les Européens ont choisi d’adopter une approche différente de celle choisie par les Américains. Tandis que le président américain Donald Trump exprime son « respect au peuple iranien qui tente de se débarrasser de son gouvernement corrompu » et critique ouvertement le régime iranien, en qualifiant ce dernier d’« Etat voyou économiquement affaibli », les Européens ont opté pour une approche plus douce. Cheffe du Service Européen pour l'Action Extérieure, Federica Mogherini s’est rapidement exprimée via un communiqué : « Nous avons suivi les manifestations des citoyens iraniens au cours des derniers jours. Nous avons été en contact avec les autorités iraniennes et nous espérons que le droit à la manifestation pacifique et la liberté d'expression seront garantis, à la suite des déclarations publiques du président Rohani ». Si l’UE appelle bel et bien au respect des droits fondamentaux, elle se fait beaucoup moins hostile à l’Etat iranien que les Etats-Unis.

Préserver l’accord nucléaire à tout prix

Cette différence d’approche peut s’expliquer par l’accord portant sur le nucléaire iranien conclu en 2015. D’un côté les Etats européens ainsi que l’UE tiennent à préserver cet accord à tout prix ; de l’autre, Donald Trump accuse les Iraniens de ne pas le respecter et menace de ne pas prolonger la levée des sanctions. La position américaine est contre-productive. Comme l’explique l’analyste Ellie Geranmayeh, l’accord conclu avec l’Iran a permis à la société iranienne de réaliser que les difficultés économiques n’étaient pas uniquement dues aux sanctions internationales. Il souligne également que soutenir les manifestations renforcent la position des dirigeants iraniens, qui accusent les manifestants d’être soutenus par des puissances extérieures.

En cela, la position européenne est plus sage et plus pragmatique. En effet, la priorité est actuellement la normalisation des relations avec Téhéran afin de préserver l’accord sur le nucléaire. De plus, comme l’explique Thierry Coville, spécialiste de l'Iran au sein du groupe de réflexion français IRIS : « L'UE se montre sage. Ce qui compte, c'est la société civile iranienne. Or, la meilleure façon de les soutenir, c'est de viser l'amélioration économique, pas de jeter de l'huile sur le feu. Car dans cette crise, les modérés iraniens ont beaucoup à perdre et les radicaux beaucoup à gagner ». En privilégiant le dialogue, l’UE ménage un acteur important de la géopolitique régionale et protège, dans une certaine mesure, la population iranienne.

Ces questions seront sans doute au cœur de la rencontre entre Federica Mogherini, les ministres des affaires étrangères français, allemand et britannique et leur homologue iranien qui doit avoir lieu d’ici la fin de la semaine.

Sources :

  • https://www.politico.eu/article/iran-protests-eu-urges-tehran-to-refrain-from-crackdown-on-demonstrators/
  • http://www.europe1.fr/international/iran-lue-espere-que-le-droit-de-manifester-sera-garanti-3534782
  • http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/01/05/l-union-europeenne-a-raison-de-se-demarquer-des-etats-unis_5237709_3232.html
  • https://www.lanouvellerepublique.fr/actu/face-aux-manifestations-en-iran-la-prudence-de-mise-chez-les-europeens