• « The Bird is freed » avait tweeté Elon Musk, patron de la société de voiture Tesla et de Space X, pour annoncer le rachat de la plateforme Twitter le 26 octobre 2022.

Le milliardaire, qui a pris le contrôle du réseau social pour la modique somme de 44 milliards de dollars, a suscité bien des polémiques depuis son acquisition.

Elon Musk a fait connaître dès le départ son intention de transformer le réseau social en « une place publique numérique commune où un large éventail de croyances peut être débattu de manière saine, sans recourir à la violence », a-t-il écrit dans un post publié le lendemain du rachat de la plateforme. A cet effet, il a allégé la politique de modération en matière de lutte contre la désinformation et a automatisé le contrôle des contenus en licenciant entre 4 400 et 5 500 modérateurs. Elon Musk a également rétabli le compte de Donald Trump ainsi que celui de 12 000 autres personnes qui avaient été banni de la plateforme. Parmi les profils réactivés, se trouvent des comptes appartenant à des suprémacistes blancs ou à des néo-nazis. Cela est très problématique puisqu’avec une modération relâchée et la possibilité de souscrire au nouvel abonnement « Twitter Blue », ils auront désormais une visibilité accrue.

Une étude commandée par le Center for Countering Digital Hate a d'ailleurs enregistré la semaine du rachat de Twitter, 26 228 Tweets racistes, une augmentation de 60 % des messages antisémites et 4000 tweets homophobes par jour. L’accroissement des contenus terroristes a également été constaté.

La prolifération des contenus haineux et terroristes sur Twitter pourrait remettre en question la conformité du réseau social vis-à-vis de la législation européenne. Le règlement Terrorist content online, en particulier, impose depuis le 7 juin 2022, le retrait immédiat des contenus terroristes. Le non-respect de cette obligation peut engendrer une amende conséquente allant jusqu’à 4 % du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise.




• « En Europe, l’oiseau volera selon nos règles européennes »

Cette réponse de Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, à Elon Musk manifeste fermement l’obligation de Twitter de continuer à s’accommoder aux réglementations de l’Union européenne. Pour rappel, Twitter avait signé la Charte contre la désinformation en ligne en 2018 qui a été ensuite amendée cette année et s’était engagée en mai 2022 à se conformer à la nouvelle législation européenne sur les plateformes en ligne.

Dans le cadre de la mise en œuvre du Digital Services Act, règlement qui donne une responsabilité aux plateformes numériques sur les contenus diffusés, Thierry Breton s’est entretenu par téléphone avec Elon Musk où il a de nouveau appelé le nouveau propriétaire de Twitter à se conformer aux règles de l’Union européenne. Il l’aurait en effet averti que le réseau social devra « renforcer considérablement la modération des contenus, protéger la liberté d’expression et s’attaquer avec détermination à la désinformation », selon un compte rendu de l’échange téléphonique communiqué à Bruxelles.

• L’inquiétude de Věra Jourová, vice-présidente de la Comission européenne





La vice-présidente de la Commission européenne, Věra Jourová, a caractérisé la suspension des comptes Twitter de douze journalistes d'« inquiétante » et a rappelé qu’il y existe « des lignes rouges » à ne pas outrepasser sous peine de s’exposer à des sanctions.

Chargée des valeurs et de la transparence, Věra Jourová travaille activement sur l’élaboration du Media Freedom Act, un projet de règlement qui prévoit des garanties en matière d’indépendance éditoriale, de transparence et de pluralisme des médias. Ce texte co-proposé avec Thierry Breton, mettrait l’accent sur la protection des contenus en ligne en imposant aux plateformes numériques de justifier les décisions de retrait d’articles de presse.

• L’invitation de Roberta Metsola à Elon Musk à comparaître devant la législature

Également inquiète, Roberta Metsola a récemment invité Elon Musk à venir témoigner devant les eurodéputés. La présidente du Parlement européen a en effet indiqué qu’elle espérait un « échange franc en public », a annoncé lundi 19 décembre son porte-parole.

Cette lettre envoyée au milliardaire mentionne le bannissement de douze journalistes et les modifications des règles de la plateforme Twitter qui ont amplifié la désinformation et les contenus haineux.

La présidente du Parlement européen n’a pas le pouvoir de contraindre un patron d’entreprise à se présenter. Toutefois, rappelons qu’en 2018, le PDG de Facebook, Mark Zuckerberg, était déjà venu témoigner à Bruxelles. Pour le moment, Elon Musk n’a pas donné suite à l’invitation.

• Une nouvelle législation européenne pour les grandes plateformes numériques

La Commission européenne a publié le 27 octobre dernier, le règlement sur les services numériques, ou Digital Services Act dans sa version anglaise. Ce règlement, qui entrera en vigueur en février 2024, contraindra les géants du web à répondre à de nouvelles obligations afin de protéger les utilisateurs européens face aux dérives d’internet.

Les grandes plateformes numériques, comme Twitter, Facebook ou encore Amazon devront mettre en application la nouvelle législation européenne afin d’endiguer la désinformation et les contenus haineux. Ces règles responsabilisent les plateformes quant aux contenus illicites publiés sur leur espace et les obligent à informer les autorités judiciaires lorsqu’une infraction pénale est soupçonnée, ceci afin d’éliminer les zones de non-droit sur internet.

De surcroît, le Digital Services Act, interdit d’exploiter les données « sensibles » des utilisateurs comprenant le genre, la tendance politique, ou encore l’appartenance religieuse à des fins de publicité.

Twitter en particulier, devra corriger les dérives actuellement constatées en introduisant un outil facilitant le signalement des contenus illicites. Le réseau social devra aussi faire preuve de transparence quant à sa politique de modération, ce qui implique la création d’un système de traitement des réclamations permettant aux utilisateurs de contester une sanction de la plateforme.

Un test de conformité se déroulera au siège de Twitter courant 2023. Si Twitter ne respecte pas les règles européennes sur la modération, le réseau social sera banni au sein des pays de l'Union européenne.

Sources :