La directive sur le devoir de vigilance des entreprises européennes en matière de durabilité a été approuvée le 1er décembre dernier par le Conseil de l’UE. Le but de ce texte est de renforcer la protection de l’environnement et des droits de l’Homme dans l’Union Européenne et en dehors en garantissant une économie plus verte par le respect du Pacte Vert européen et des Objectifs de développement durable définis par les Nations Unies. Ce texte, qui donne l’orientation général du Conseil, donne mandat à la présidence pour commencer les négociations dans ce sens avec le Parlement Européen.

“Nous avons travaillé dur ces derniers mois pour parvenir à cette position du Conseil aujourd'hui. Pour que l'UE atteigne ses objectifs en matière de climat et de durabilité et assure la protection des droits de l'homme, il est important que les entreprises recensent et préviennent, fassent cesser ou atténuent l'impact de leurs activités sur les droits de l'homme et l'environnement. Un comportement responsable de la part des entreprises ... est aussi un aspect auquel les consommateurs européens commencent à accorder de plus en plus d'importance.” - Jozef Síkela, ministre tchèque de l'industrie et du commerce

Dans son communiqué de presse, le Conseil européen définit cette directive comme un ensemble de règles concernant les obligations des grandes entreprises et les conséquences négatives réelles et estimées de leur activité sur les droits de l’Homme et sur l’environnement. Les entreprises seront aussi responsables des activités de leurs filiales et de celles de leurs partenaires commerciaux. En plus de risquer des sanctions et leurs propres responsabilités civiles en cas de violation, les entreprises auront dorénavant le devoir de mettre en place un plan de production en accord avec l’Accord de Paris sur le climat.



Les entreprises concernées seront sélectionnées selon leur nombre de salariés et leur chiffre d'affaire net au niveau global, ce qui devrait écarter les plus petits acteurs en favorisant l’encadrement des grandes entreprises qui sont celles qui ont un pouvoir nuisible plus important. Le Conseil a délimité le champ des sociétés à celles qui possédaient au moins 1000 salariés et 300 millions d’euros de chiffre d'affaires net global. Les acteurs non européens seront aussi concernés : mais les autorités se concentreront que sur ceux qui comptent au moins 300 millions d’euros de chiffre d'affaire net dans l’UE, même s'ils ne possèdent ni filiale , ni siège sur le territoire de l’Union.

Le texte original du Conseil s'applique aussi à la chaîne d’activité des entreprises, et donc impose aux acteurs concernés un contrôle en amont et en aval - si possible -de leurs partenaires commerciaux. Cependant, il apparaît que cette partie du texte a été amendée lors des négociations entre représentants des Etats Membres. Les ONGs européennes dénoncent l’action du gouvernement français qui a souhaité, d’après elles, exclure complètement le secteur financier du devoir de vigilance - point qui sera finalement laissé à la discrétion des Etats membres.

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Certaines organisations, comme Reclaim Finance - une ONG et think tank qui considère que la finance est “un levier critique dans la lutte contre le dérèglement climatique” selon leur site - et Les Amis de la Terre France - qui milite “pour une transition vers des sociétés durable” comme on peut le retrouver dans leur description - ont appelés les parlementaires européens à complètement rejeter le texte. Épaulés différentes ONGs comme ActionAid France, CCFD-Terre Solidaire, le collectif Ethique sur l’étiquette, FIDH, la Ligue des droits de l’Homme, Notre Affaire à tous, Oxfam France, Sherpa et bien d’autres, ils dénoncent l’actions des lobby de la finance sur la position du Conseil et présentent les nombreuses failles du texte.



Dans un communiqué du 1er décembre, ils expliquent que l’intervention française a exempté non seulement les services financiers, mais aussi par associations les banques du devoir de vigilance, même lorsqu'elles sont clairement des partenaires commerciaux importants d’entreprises. De plus, les acteurs financiers ne devraient finalement plus être contraints d'assurer le devoir de vigilance post fourniture des services, comme le demande le texte d’origine. D’autres amendements posent problème pour ces acteurs environnementaux, comme la suppression des termes importants comme “intégrité écologique'' ou l'annulation des éléments sur les obligations et rémunérations des administrateurs des mesures. Le devoir de vigilance ne devrait également pas concerner les exportations d’armes ou de matériel de surveillance.



Paul Schreiber, chargé de campagne chez Reclaim Finance indique : « Si le secteur financier est traité “comme les autres” comme le demande le gouvernement français, alors le cœur de son activité, à savoir le financement de l’économie, sera exclu du champ d’application du devoir de vigilance. S’ils veulent protéger l’environnement et les droits humains, les eurodéputés ne doivent pas être dupes : il faut rejeter la position du Conseil et demander l’inclusion de l’ensemble des acteurs et services financiers »



Ces attaques ont été démenties par le gouvernement français : la première Ministre Elisabeth Borne avait d’ailleurs déclaré le 30 novembre dernier que la France “est le pays pionnier en matière de devoir de vigilance des entreprises et qu’elle porte avec la plus grande ambition le projet de directive européenne sur le devoir de vigilance.”



SOURCES
https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2022/12/01/council-adopts-position-on-due-diligence-rules-for-large-companies/
https://reclaimfinance.org/site/2022/12/01/directive-devoir-de-vigilance-sous-pression-de-la-france-le-conseil-de-lue-adopte-des-exclusions-massives-pour-le-secteur-financier/
https://reclaimfinance.org/site/notre-projet/
https://www.amisdelaterre.org/nous-connaitre/
https://www.amisdelaterre.org/communique-presse/directive-europeenne-sur-le-devoir-de-vigilance-le-conseil-de-lunion-europeenne-approuve-un-texte-affaibli-par-la-france/
https://twitter.com/LCP/status/1597623211981774848
https://presse.economie.gouv.fr/30112022-le-gouvernement-francais-dement-les-informations-faisant-etat-dune-demande-dexemption-des-banques-du-projet-de-directive-sur-le-devoir-de-vigilance/