Lundi 25 octobre 2010, les ministres des Affaires étrangères des 27, réunis à Luxembourg à l’occasion du Conseil des Affaires générales, sont parvenus à un consensus, ouvrant à la Serbie, une nouvelle fenêtre vers son horizon européen. En accord avec la procédure fixée par le Traité sur l’Union européenne, le Conseil a décidé de transmettre à la Commission, la candidature d’adhésion à l’UE, déposée par le Président serbe, Boris Tadic, en décembre 2009. Cette décision a été saluée par les deux partis.
Pourtant, si cette étape représente une avancée procédurale certaine, sa portée n’en demeure pas moins essentiellement symbolique. D’une part, le statut officiel de candidat n’est toujours pas acquis pour la Serbie, dont l’avenir européen doit maintenant être examiné par la Commission. Celle-ci ne devrait pas rendre d’avis définitif avant le second semestre 2011. D’autre part, si un blocage a cette fois pu être évité, il n’en a peut-être été, par là, que retardé.
Les Pays-Bas, qui ont exprimé leurs franches réticences à voir la Serbie progresser sur la voie de l’intégration européenne, ont obtenu que toute nouvelle avancée soit dorénavant décidée unanimement et conditionnée à « une pleine coopération avec le Tribunal Pénal International pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) » (1). Le Président Tadic est ainsi averti. Si le Conseil a manifestement tenu à reconnaître et encourager le dialogue direct récemment établi entre Serbie et Kosovo, les efforts des autorités serbes, pour arrêter et livrer à la justice internationale, deux de leurs ressortissants suspectés de crimes de guerre - Ratko Mladic et Goran Hadzic - sont jugés insuffisants. La carotte… et le bâton !
En dépit, d’un apparent geste de rapprochement, la pression est donc maintenue sur la République balkanique pour qui la route de l’adhésion à l’UE, balisée par les critères de Copenhague et l’objectif d’apaisement régional, reste encore longue et incertaine. D’autant plus, que si un compromis à cette fois été trouvé, Uri Rosenthal, le chef de la diplomatie néerlandaise, a fait savoir que son pays était déterminé à ne plus céder un pouce de terrain sur la question des fugitifs Hadzic et Mladic. Les Pays-Bas, qui accueillent le TPIY à La Haye, restent, en effet, très marqués par l’impuissance de leurs casques bleus à prévenir le massacre de milliers de musulmans bosniaques à Srebrenica en 1995. Massacre pour lequel l’ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic, est inculpé de génocide et de crime contre l’humanité.
Parallèlement, les actions violentes menées ces derniers jours par des groupes ultras – nationalistes et conservateurs - viennent rappeler les menaces qui pèsent sur le processus démocratique serbe : qu’il s’agisse de hooligans obligeant l’interruption d’un match de football à Gênes ou de casseurs haineux provoquant des batailles de rue à Belgrade, en marge de la Gay Pride. Dix ans après le renversement de Slobodan Milosevic, les fantômes du siècle passé continuent de hanter des Balkans schizophrènes, où l’on voit difficilement comment nationalisme exacerbé et ambition européenne pourraient, à l’heure actuelle, faire bon ménage ?
Virginie Hervé
(1) Conclusions officielles du Conseil : http://www.consilium.europa.eu/uedocs/cms_Data/docs/pressdata/EN/genaff/117314.pdf
Article du Monde.fr : http://www.lemonde.fr/europe/article/2010/10/25/la-serbie-franchit-une-etape-cle-vers-son-adhesion-a-l-ue_1431075_3214.html#xtor=RSS-3208