En effet, cet article déchaîne les passions sur la plateforme, car il serait la cause d’une modification radicale et catastrophique de YouTube. Pour rappel, l’article 13 a pour but de responsabiliser toutes les plateformes permettant à leurs utilisateurs de diffuser du contenu (comme YouTube, Dailymotion ou encore Facebook), en leur exigeant de contrôler ces contenus, notamment ceux qui incluent des oeuvres d’autres artistes, comme des musiques, des extraits de films etc. L’objectif est donc de protéger les ayants-droits, c’est-à-dire toute personne ou entité qui possède des droits sur une oeuvre, en particulier sur Internet. Le texte vise donc à établir un meilleur rapport de force entre auteurs et sites web. La directive a ainsi déjà été votée au Parlement européen le 12 septembre dernier, mais le processus d’écriture du texte est toujours en cours entre le « trilogue », plus précisément entre des représentants du Parlement européen, du Conseil et de la Commission. L’objectif est d’arriver à une version finale en janvier 2019. C’est donc pour cela que nous assistons depuis septembre à une vaste guerre de communication entre les supporters de l’article 13, et ceux qui y sont farouchement opposés.

Pour les auteurs et leurs ayants-droits, l’article 13 est une très nouvelle puisqu’il assure la protection de leurs oeuvres originales, ainsi qu’un moyen d’être mieux rémunérés pour leur utilisation en ligne. Des groupes ou entreprises comme les sociétés de production de films (Warner, Sony etc) ou encore la SACEM (Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique) essayent de faire entendre leurs voix pour l’adoption du texte. Cependant, ils sont complètement écrasés par la campagne monstre menée par Google, par le biais de YouTube, qui est le site le plus mis en danger par l’article 13. En effet, pour YouTube, l’article présenterait deux problèmes techniques majeurs : il leur faudra mettre en place un algorithme de détection des contenus qui seraient susceptibles de violer les droits d’auteurs de certains artistes, ainsi que la signature d’une multitude d’accords avec l’intégralité des ayants-droits potentiels. Le site deviendrait ainsi 100% responsable du contenu mis en ligne, ce qui serait un désastre financier pour la plateforme. Tous les jours, plus de 400 heures de contenu est mis en ligne sur YouTube, il est donc impossible de vérifier toutes les vidéos de la plateforme. Avec la menace de la possible adoption du texte, YouTube a annoncé des mesures drastiques en ce qui concerne le filtrage des vidéos, elles seront ainsi soit bloquées avant même leur mise en ligne, soit supprimées automatiquement. Il sera donc extrêmement difficile, voir même impossible de poster du contenu sur YouTube en Europe.

Néanmoins, YouTube ne devrait pas abandonner l’Europe car c’est l’un des marchés les plus rentables de la plateforme. Ainsi, pour contrer l’article 13, une vaste campagne de lobbying a été mise en place par YouTube. La plateforme a tout d’abord commencé par diffuser des publicités de quelques secondes sur leur site à propos de la possible disparition de YouTube si l’article était appliqué, puis elle a contacté un grand nombre de Youtubeurs influents avec pour objectif la sensibilisation de leurs communautés. De nombreuses vidéos ont donc vu le jour ces dernières semaines pour renseigner le public sur les dangers de l’article 13, qui compromettrait la liberté du net. Par la suite, les « abonnés » sont incités à signer une pétition intitulée #SaveYourInternet, dans le but de faire pression sur les institutions européennes. Plusieurs eurodéputés ont ainsi dénoncé ces pratiques de « pression publique » avec la mise en place d’une « campagne de désinformation massive et sans précédent ». La PDG de YouTube, Susan Wojcicki, s’est même rendue en personne à Strasbourg pour parler des dangers de la directive. Le discours adopté par YouTube est donc très alarmiste, et cela a l’air de fonctionner, puisque la mobilisation est de plus en plus importante.

Dans ce climat très tendu, il est donc difficile d’envisager un possible accord en janvier 2019. Cependant, si la directive est adoptée, les pays de l’Union européenne auront deux ans pour l’appliquer, selon leurs propres envies. Le texte est donc adaptable pour chaque pays. Ainsi, les conséquences seront moins graves que ce qui est annoncé. YouTube ne devrait certainement pas mourir en Europe. Rendez-vous en janvier pour connaître la suite…

Sources :

  • Toute l'Europe, Directive copyright : l'article 13 va-t-il vraiment tuer YouTube ?, https://www.touteleurope.eu/actualite/directive-copyright-l-article-13-va-t-il-vraiment-tuer-youtube.html
  • Le Figaro, "Ils m'ont dit qu'Internet était en danger" : Comment Google mobilise les Youtubeurs contre l'article 13, http://www.lefigaro.fr/medias/2018/11/22/20004-20181122ARTFIG00190-article-13-comment-google-orchestre-la-mobilisation-des-youtubeurs.php
  • EURACTIV, Les négociations se tendent au Parlement sur le droit d'auteur, https://www.euractiv.fr/section/economie/news/shadow-rapporteurs-take-stand-against-parliaments-handling-of-copyright-directive/
  • Vidéo Youtube de Math se fait des films !, La vérité sur la fin de YouTube (article 13), https://www.youtube.com/watch?v=COU0pG0fQ6I&ab_channel=Mathsefaitdesfilms%21