Le 23 novembre dernier, la Commission des questions sociales au sein du Conseil de l'Europe devait statuer sur les droits de l'homme, et les questions éthiques liés à la gestation pour autrui (GPA). Ce rapport était envisagé depuis juillet 2014 mais de récents rebondissements ont perturbé la séance de ce lundi.
Voyant le danger arriver, les associations militantes se sont réunies pour lutter contre la libéralisation de la GPA. Parmi elles, "No maternity traffic" s'inquiétait de l'orientation que pouvait prendre ce texte et des conséquences qu'il aurait sur la pratique en question. Selon ses membres,
"la GPA est une forme de trafic d’êtres humains, qui implique l’instrumentalisation du corps de la femme et la marchandisation de l’enfant."
Convaincus de leurs arguments, ils ont fait circuler un communiqué accompagné d'une pétition pour sensibiliser et rassembler le plus grand nombre à leurs côtés. Ils n'ont d'ailleurs pas hésité à stigmatiser la situation comme un "phénomène transfrontalier" allant de l'Ouest à l'Est, et des riches vers les pauvres- sans évoquer une seule fois les raisons pouvant être médicales.
L'Alliance Vita, membre actif de "No maternity traffic" appelait également à la "mobilisation urgente au Conseil de l'Europe" avec comme ambition utopique l'interdiction universelle de la GPA. Selon eux, celle-ci ne peut nullement être efficace avec des pays voisins autorisant les mères porteuses. Leur solution idéale serait donc de mettre en œuvre une "démarche abolitionniste au niveau mondial" afin d’éviter toute possibilité d’accéder à cette pratique légalement.
Malgré leur position extrême, ils savent en effet que leur point de vue est partagé au niveau international puisque le premier appel à la mobilisation de ce genre avait été porté par les Etats-Unis avec le slogan "Stop surrogacy now" (arrêtons la GPA maintenant). Les associations françaises ont donc prolongé ce mouvement en réclamant fièrement l’arrêt immédiat de la GPA.
C'est finalement en démontrant l'influence que pouvait avoir le Conseil de l'Europe sur les décisions de la CEDH, et donc de se fait sur les pratiques nationales de la GPA, que les militants ont réussi à rassembler plus de 100 000 signatures à la fin de la semaine dernière.
Néanmoins, leur pétition n’aura pas eu le temps d’être prise en compte puisqu’une révélation d'envergure a subitement chamboulé la rédaction de la résolution attendue ce lundi 23 novembre. En effet, comme s'en étonnait l'association "No maternity traffic", le programme de rédaction avait été confié à une gynécologue spécialiste en médecine reproductive, Petra De Sutter, qui réalise elle-même couramment des GPA. La Commission des questions sociales du Conseil de l'Europe n'a donc eu comme autre choix que de reporter l'examen du projet en raison d'un potentiel manquement aux règles de déontologie de l'Assemblée parlementaire. En effet, le code de conduite interdit formellement tout lien entre le sujet du rapport et l'intérêt professionnel du rapporteur. La situation est donc en ce moment à l'enquête préalable avant de pouvoir prendre toute décision.
On constate que cette dernière information n’est abordée que très succinctement par le Conseil de l'Europe. En effet, il annonce seulement que la Commission des questions sociales a "décidé de reporter la discussion" sans évoquer la moindre raison. Avec cette volonté de ne pas ébruiter l'affaire, on pourrait leur reprocher un manque de transparence sur la situation.
Les associations et médias sensibles au sujet de la GPA sont quant à eux très satisfaits de cette dernière nouvelle qui leur donne une chance de plus de se faire entendre. La médiatisation d’un tel conflit d’intérêt serait pour eux une aubaine mais les médias nationaux ne semblent pas disposés à ébruiter l’affaire. En effet, tous les renseignements que l’on peut trouver sur ce sujet ne sont accessibles que sur des sites d’association de défense des droits de la femme et des enfants, sur des sites de bioéthique ou par des médias catholiques. Ceci est compréhensible puisque la GPA reste une affaire de grande importance dans leur milieu, mais on peut s’étonner que l’information ne soit pas clairement visible pour l’opinion publique.
Le vote du rapport devait être originellement réalisé début 2016 à Strasbourg mais ces évènements retarderont peut-être de quelque peu ses avancées. Ce qui est certain en tout cas, c’est que la GPA n’a pas finie d’être sujet à controverse.
SOURCES
(2) Genethique
(3) Alliance VITA
(4) La Croix