L’information a été peu relayée par les médias, mais le 30 novembre dernier, la Commission européenne a confirmé par un communiqué de presse(1) l’enregistrement d’une nouvelle initiative citoyenne européenne (ICE) intitulée « Wake up Europe ! Act4democracy ». L’ICE est une procédure de démocratie directe transnationale qui cherche à résoudre les problèmes souvent décriés par les eurosceptiques que sont la bureaucratie et l’opacité de l’Union européenne ainsi que le manque de contrôle des citoyens sur la Commission européenne. En effet, ce mécanisme permet depuis 2012 à n’importe quel citoyen de l’UE, en âge de voter, d’inviter la Commission à se pencher et à légiférer sur un sujet donné, tant qu’il est conforme aux lois de l’Union.
« Wake up Europe ! Act4democracy » a été lancée pour alerter la Commission sur le délitement du « projet démocratique européen » à l’oeuvre en Hongrie. Cette ICE cherche donc à encourager l’Europe, mais également ses citoyens, à « agir » pour défendre les valeurs fondamentales de l’Union. Valeurs qui seraient mises en péril par le gouvernement de Viktor Orbán qui depuis 2010 « a multiplié les mesures antidémocratiques, xénophobes et contraires aux principes fondateurs de l’État de droit »(2). Le mauvais traitement des migrants qui affluent en nombre dans le pays est également pointé du doigt. Pour éviter que ce glissement de la Hongrie vers l’autoritarisme ne se répande à d’autres pays, les organisateurs de l’ICE veulent faire appliquer l’article 7 du Traité sur l’Union européenne. Celui-ci permet à la Commission d’avertir le Conseil de l’UE d’une violation en cours des valeurs fondatrices de l’UE dans un état membre. Le Conseil peut alors décider de suspendre certains droits de cet état découlant des traités européens, comme le droit de vote au sein du Conseil.
Pourtant, le combat pour protéger la démocratie en Hongrie ne fait que commencer (et la Hongrie est encore loin de voir son droit de vote au conseil suspendu), puisque cette ICE a désormais un an, soit jusqu’au 30 novembre 2016, pour remplir les conditions nécessaires à ce qu’elle soit étudiée par la Commission. À savoir, il faut désormais qu’elle reçoive le soutien d’un million de personnes (en âge de voter) provenant d’au moins un quart des Etats membres de l’UE (soit sept pays). Et comme le rappelle le communiqué de presse, la Commission peut, même si ces conditions sont remplies, décider de ne pas agir. Enfin, le constat dressé par György Schöpflin n’augmente pas les espoirs des démocrates européens. L’euro-député hongrois rappelle dans une interview publiée le 3 novembre(3) que sur 51 ICE proposées, aucune « n’a atteint son objectif de mener à une action législative ». Et cela, alors que certaines de ces initiatives ont largement dépassé les objectifs minimums requis. De fait, si l’initiative citoyenne européenne est un processus de démocratie participative intéressant, il se révèle dans la pratique presque totalement inefficace.
Mais les choses sont en train d’évoluer car si la Commission qui est pourtant l’institution directement concernée par les ICE rechigne à agir en leur faveur, le Parlement européen lui se montre moins frileux et veux la pousser à être plus ambitieuse dans ses réponses. Comme le montre la récente intervention des parlementaires pour soutenir l’initiative citoyenne « l’eau, un droit humain »(4). Reste maintenant à savoir si cette évolution sera suffisante pour « préserver le projet démocratique européen ».
Sources : (1) : http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6189_fr.htm
(2) : http://ec.europa.eu/citizens-initiative/public/initiatives/ongoing/details/2015/000005
(3) : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20151030STO00736/
(4) : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/content/20150903IPR91525/html/Initiative-citoyenne-l'eau-un-droit-humain-la-Commission-doit-agir
http://www.rtbf.be/info/belgique/detail_l-initiative-citoyenne-sur-la-hongrie-a-ete-enregistree-par-la-commission-europeenne-cal?id=9152974
http://www.lesoir.be/1059060/article/actualite/monde/2015-12-02/avis-recherche-un-million-signatures-pour-contrer-viktor-orban