Young businessman holding sign Need Job outdoors

Depuis son entrée dans l’Union Européenne en 2004 et surtout depuis son intégration dans l’espace Schengen en 2004, la Pologne connait une forte émigration vers les pays occidentaux de l’Union Européenne. L’ouverture des marchés du travail allemand et autrichien aux travailleurs polonais à partir du 1er mai 2011 avait d’ailleurs fait craindre un exode massif des jeunes et travailleurs qualifiés.

Au niveau Européen, les estimations portent à 4 millions le nombre de personnes s’étant déplacé de l’Est vers l’Ouest de l'Europe et devenant résident d’un autre État européen entre 2004 et 2014. Parmi ceux-ci, on dénombrait 535 000 polonais rien qu’au Royaume Uni. Selon les chiffres officiels, ce sont plus de deux millions de Polonais qui ont quitté le pays entre 2002 et 2007, dont 82 % sont des jeunes entre 18 et 34 ans. Puis en 2013, ce sont 726 000 personnes de moins de 34 ans qui décident de partir. L'incapacité des gouvernements successifs à endiguer ce phénomène a contribué à sa pérennisation et fait craindre de profonds dysfonctionnements sur le marché du travail polonais. La cause de ce phénomène réside probablement dans la rencontre de plusieurs facteurs : stagnation du niveau de vie qui incite les jeunes à chercher une meilleure rémunération à l’étranger (en Grande-Bretagne le salaire peut parfois être doublé, voir triplé), crise économique, un système de santé peu efficace, une offre de formation qui peine à se développer, un faible niveau d’insertion professionnelle, etc. Autre fait inquiétant, alors que les jeunes partent souvent pour des durées initialement courtes (de six mois à un an), l’expérience a montré qu’une fois intégré dans le pays d’accueil, ceux-ci ne reviennent pas en Pologne. Pour contrer les effets néfastes de cette fuite des cerveaux, les gouvernements successifs ont tentés, entre 2007 et 2010, de mettre en place des mesures d’incitation au rapatriement. Toutefois ces programmes, lancés au moment de la crise financière, n’ont pas atteint les objectifs qu’ils s’étaient fixés et il semble aujourd’hui impossible d’opérer un retour en arrière, c'est pourquoi certain en Pologne parlent déjà d’une « génération perdue ».

Le diagnostique inquiétant du marché du travail polonais

Dans ce contexte, l’Agence Polonaise pour le Développement de l’Entreprise (PARP) a lancé, en collaboration avec l’Université Jagellon de Cracovie, un projet européen intitulé « Étude du capital humain en Pologne » qui vise à dresser un diagnostique de l’évolution de la structure des compétences sur le marché du travail polonais à travers l’étude des résultats de cinq rounds de recherches conduits entre 2010 et 2014. Ces études ont été menées sur un échantillon de 350 000 employeurs, employés, chômeurs, étudiants universitaires, élèves des écoles secondaires supérieures, ainsi que des représentants des institutions de formation et elles ont pour objectif de canaliser les fonds et les institutions publiques sur l’inadéquation des compétences sur le marché du travail aux niveaux national et régional. Le projet part de trois facteurs principaux : l’offre et la demande du marché du travail, le système éducatif et le marché de la formation. Si on se penche sur la question de l’offre et de la demande sur le marché du travail, les travaux menés montrent qu’il y a eu une évolution au cours de l’année 2013. Auparavant stable, la demande en ressources humaines a été considérablement réduite pour pratiquement tous les employeurs, indépendamment du nombre de personnes qu'ils emploient et de leur secteur d'activité. En effet, l’étude révèle que la demande de main d’œuvre, précédemment stable, a diminué depuis 2010. Au cours des années précédentes, la demande a oscillé autour de 17%, or en 2013, elle tombe à 14%. En outre, le nombre de postes vacants a diminué dans pratiquement toutes les régions administratives et les prévisions des employeurs pour les douze prochains mois n'annoncent pas d’amélioration de la situation. Dans le même temps, le problème de l'inadéquation des compétences s’accentue, et ce malgré l'augmentation du nombre de demandeurs d'emploi sur le marché: un nombre croissant d'employeurs ne trouve pas de personnel adapté à leurs attentes. Ainsi, la part des employeurs prêts à embaucher et qui éprouvent des difficultés à trouver des candidats appropriés est passée de 75% en 2010 à 78% en 2012.

Quelles perspectives pour la Pologne ?

Aujourd’hui, il ne semble plus possible de mettre en place des mesures permettant de stopper le départ des jeunes ou de les faire revenir. La perspective de l’entrée de la Pologne dans la zone euro et d'une éventuelle stabilisation de son niveau de vie qui en découlerait permettrait peut-être de dissuader les jeunes de partir en leur offrant de meilleures opportunités. C’est l’avis de l’ancien président Bronislaw Komorowski tandis que la majorité des polonais, plus sceptiques, craignent une inflation ultérieure. Face à ce flux de sortants, il faut mentionner le flux de jeunes étudiants et travailleurs qui entrent chaque année en Pologne. En effet, le pays attire chez ses voisins dont le niveau de vie est plus bas, et notamment en Roumanie, ce qui a pour effet de créer une sorte de roulement. Cette nouvelle donne en matière de mobilité est notamment visible dans les classes de master des universités polonaises qui, bien souvent, sont composées d’étudiants étrangers, selon le témoignage d’un membre du Centre d’Évaluation et d’Analyse des Politiques publiques de l'Université Jagellon.

Il semblerait donc que le marché du travail polonais connaisse une crise profonde est bien ancrée. La réflexion sur ces questions interroge plus largement sur la qualité de l’offre de formation polonaise et il semblerait que la réponse à apporter à ce problème doive être la plus large possible. C’est d’ailleurs ce que traduisent les résultats du projet mené par PARP et l’Université Jagellon.

Sources:

- http://www.academia.edu/15190703/R%C3%A9sum%C3%A9._Les_nouvelles_migrations_de_travail_intra-europ%C3%A9ennes._Jeunes_Polonais_et_Roumains_au_Royaume-Uni_et_en_Espagne

- http://en.bkl.parp.gov.pl/

- http://www.telegraph.co.uk/news/uknews/immigration/11454795/Campaign-to-lure-Poles-back-home-amid-fears-of-brain-drain-to-Britain.html