pologne.jpg L’arrivée au pouvoir du parti Droit et Justice à l’origine de cette réforme :

Les résultats des élections présidentielles polonaises de mai ont surpris l’Europe entière avec l’arrivée au pouvoir d’Andrzej Duda. Ancien juriste de 42 ans, il est eurosceptique comme son parti et a su séduire les polonais fidèles aux préceptes du catholicisme. Au mois d’octobre, les législatives n’ont cette fois ci plus étonné personne avec l’arrivée au gouvernement du parti nationaliste. Tous les sondages avant le vote avaient annoncé la couleur. Disposant de 234 députés sur 460 à la Diète et de 61 sénateurs sur 100, le parti n’a même pas eu besoin de faire de coalition pour arriver au pouvoir et dispose donc de la majorité absolue. Par conséquent, le gouvernement a les mains libres pour mettre en place les lignes directrices promises lors de la campagne électorale à savoir: centralisation du pouvoir, politique sociale et souverainisme économique. Cependant, le parti Droit et Justice est loin de faire l’unanimité en Pologne et les critiques se font de plus en plus entendre que ce soit dans le pays mais aussi dans l’Union, surtout que certaines lois sont considérés comme anti-démocratique comme celle qui nous intéresse ici concernant le tribunal constitutionnel.

 Le rôle de l’institution  :

Cette institution fut crée en 1982 c’est à dire sous l’ère communiste. Néanmoins, son fonctionnement n’est plus le même qu’à l’époque et il est régi actuellement par la loi constitutionnelle polonaise de 1997 et les lois organiques du 1er août 1997 et du 30 août 2015. Pour résumer, on peut définir son rôle par la vérification de la conformité des lois et les traités vis à vis de la constitution. Composé de 15 membres pour un mandat de 9 ans, ils sont élus individuellement par la Diète sur la base de leurs connaissances juridiques ainsi que leurs expériences. Le président du tribunal quant à lui est choisi par le président de la république à partir de noms choisis encore par la Diète.

En quoi consiste cette réforme ? :

Ainsi lors du 22 décembre 2015 tard dans la nuit, la chambre basse du parlement a voté une loi modifiant le fonctionnement cette institution qui nous intéresse ici. En premier lieu, elle modifie le système de vote c'est-à-dire que désormais les décisions sur les sujets les plus importants doivent être prises par au moins treize juges du Tribunal sur quinze, et ceci à la majorité des deux tiers. Si cette majorité n’est pas atteinte aucune décision ne pourra être rendue. Sachant que le parti a nommé à sa cause 5 juges autant que dire que cette institution est rendue complètement paralysée avec l’instauration de cette réforme. Par ailleurs, le deuxième point de cette réforme sur l’ordre de passage des affaires pendantes devant les juges constitutionnels. Elles devraient donc désormais passer en ordre d’arrivée. Ainsi, même les lois de très haute importance attendraient leur tour et seraient en attendant en vigueur car toute loi est supposée constitutionnelle et applicable, tant que le Tribunal constitutionnel ne dit pas le contraire. Enfin cette loi permet de donner au président du pays le droit de demander la révocation d’un juge constitutionnel. Cette demande doit être en dernière instance validée par le Parlement qui comme nous l’avons dit précédemment est du même bord politique que le président de la république. C’est donc l’indépendance des juges qui à travers cette réforme est remise en cause qui est considéré comme l’un des piliers de la démocratie dans le monde occidental. Les parties d’opposition ont bien évidemment essayé d’empêcher la mise en vigueur de cette loi en portant plainte notamment auprès du tribunal lui-même en lançant une procédure de sécurisation de la loi. Malheureusement, le gouvernement est passé outre les décisions du tribunal plusieurs fois et ce n’est pas cette procédure législative qui semble pouvoir les arrêter.

Des réactions vives contre cette réforme :

Les critiques envers cette loi sont nombreuses qu’elles soient en Pologne ou dans l’Union Européenne. Des manifestations ont eu lieu dans plusieurs villes avec à chaque fois plusieurs milliers de personnes dans les rues. Lech Walesa figure historique du pays s’est dit d’ailleurs prêt à créer un nouveau mouvement protestataire contre le gouvernement en place.
Le président du Parlement Européen Martin Schulz quant à lui s’est dit outré par l’instauration de cette loi. Il accuse le gouvernement polonais de fomenter un véritable coup d’état. La Commission Européenne a estimé lors d’un communiqué que ces dispositions : handicapent le Tribunal, ébranleraient la démocratie, les droits de l'Homme et l'Etat de droit . Pour finir sur les déclarations hostiles envers cette réforme, le Conseil de l’Europe à travers la Commission de Venise a exprimé toute son inquiétude face à la situation actuelle en Pologne et plus particulièrement sur cette réforme : Aussi longtemps que la crise constitutionnelle (…) restera irrésolue et aussi longtemps que le Tribunal constitutionnel ne peut mener à bien son travail de manière efficace, ce n’est pas seulement l’Etat de droit, mais aussi la démocratie et les droits de l’Homme qui sont en danger. C’est pourquoi, s’il est encore trop tôt pour tirer des conclusions sur l’arrivée au pouvoir du parti nationaliste, on peut néanmoins observer l’unanimité dans la crainte de leur politique auprès des institutions européennes
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|http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/05/25/andrzej-duda-le-president-elu-de-pologne-un-inconnu-grandi-dans-l-ombre-des-freres-kaczynski_4640126_3214.html]
|http://www.rfi.fr/europe/20151223-bras-fer-tribunal-constitutionnel-pologne-justice-politique-constitution]
|http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/03/12/la-pologne-a-nouveau-epinglee-sur-l-etat-de-droit_4881748_3214.html?xtmc=pologne_reforme_constitutionnel&xtcr=1]