Le Conseil européen du 19 octobre a présenté une unité de façade des dirigeants européens sur la négociation du Brexit et le soutien apporté à l’Espagne dans la crise que le pays traverse après le référendum d’indépendance catalan. Le président français, Emmanuel Macron, a affiché sa confiance face aux défis auxquels les Européens sont confrontés : « Ce Conseil européen sera marqué par un message d’unité. Unité autour de nos Etats membres face aux crises qu’ils peuvent connaître, unité autour de l’Espagne, et unité aussi très forte dans la discussion du Brexit. »
Malgré cette assurance revendiquée par les responsables européens, certains observateurs ne peuvent s’empêcher de constater que l’Union européenne (UE) peine à s’affirmer diplomatiquement sur la scène internationale. C’est le cas d’Arnaud Danjean, eurodéputé PPE et président du comité de rédaction de la Revue stratégique sur la défense, qui pointe du doigt le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) comme un « outil plus bureaucratique que diplomatique ».
La principale personne visée par ces critiques est Federica Mogherini. En effet, la haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères peine à faire entendre sa voix. Comme les orientations concernant la diplomatie européenne requièrent l’unanimité des voix des 27 Etats membres, certaines divergences internes fragilisent l’efficacité de la politique étrangère de l’Union.
Alors que se tenait ce 13 novembre le Conseil européen des Affaires étrangères, les critiques s’amplifient et se sont cristallisées dans une déclaration de soixante-cinq experts et parlementaires européens reprochant à la diplomate italienne de ne pas prendre assez de mesures contre la désinformation russe. Les signataires de cette déclaration appellent les dirigeants, et particulièrement Federica Mogherini, à « arrêter d’éviter de nommer la Russie en tant que principale source de désinformation hostile » et prendre des mesures pratiques pour développer les capacités des services de communication du SEAE.
En Espagne, de nombreuses « fake news » ont émergé suite au référendum d’indépendance catalan : « La Catalogne reconnaîtra la Crimée come étant russe », « Des fonctionnaires européens ont soutenu la violence en Catalogne » ou encore « Les îles Baléares réclament aussi l’indépendance ». Sans forcément montrer du doigt le gouvernement russe, Alfonso Dastis, ministre des Affaires étrangères espagnol, et Maria Dolores de Cospedal, ministre de la Défense, ont déclaré, en marge du Conseil, que Madrid détenait des « preuves » constatant que plusieurs faux comptes provenant du « territoire russe » tentaient d’envenimer le séparatisme catalan sur les réseaux sociaux.
Face aux accusations lui reprochant de ne pas prendre les menaces russes assez sérieusement, Federica Mogherini a décidé d’anticiper et a annoncé de nouveaux fonds et effectifs pour l’équipe East Stratcom, service spécialisé de l’UE contre la propagande russe. Néanmoins, comptant sur la coopération russe dans de nombreux dossiers, plusieurs commentateurs politiques affirment qu’il est peu probable que Federica Mogherini s’engagent dans une campagne conflictuelle vis-à-vis de la Russie. Sous couvert d’anonymat, certains politiques et fonctionnaires européens vont même jusqu’à dire que plusieurs Etats membres ne se rendent pas compte de la menace que la Russie fait planer sur l’Europe, mais surtout que la haute représentante aux Affaires étrangères, désintéressé par Stratcom, avait émis cette promesse dans le seul but de se débarrasser un moment des demandes pressantes de certains pays membres.
Ce 14 novembre plusieurs pays de l’UE ont affirmé leur volonté de faire un pas commun de plus vers l’Union de la défense. Federica Mogherini recevait d’ailleurs, en octobre dernier, le prix Kaiser-Otto 2017, consacrant ses efforts pour l’intégration européenne dans le domaine de la défense et de la sécurité. Ces avancées, par rapport à sa prédécesseure Catherine Ashton, ne masquent pas le fait que Federica Mogherini est contestée en interne par plusieurs parties mais surtout renforcent l’idée partagée par plusieurs experts des questions diplomatiques et de défense sur l’impossibilité qu’une « politique commune efficace puisse émerger en Europe à moyen terme ».
Sources :
- http://www.euractiv.fr/section/avenir-de-l-ue/news/lue-cherche-sa-voix-sur-la-scene-internationale/
- http://www.euractiv.fr/section/politique/news/la-desinformation-russe-semballe-suite-a-la-crise-catalane/
- http://www.europeanvalues.net/declaration/
- https://euobserver.com/foreign/139862