Les 17 et 18 octobre derniers, le Conseil de l’Union Européenne a réuni à Bruxelles tous les chefs d’Etats de l’Union afin de débattre, entre autres sujets, de l’ouverture des négociations d’adhésion à l’UE pour l’Albanie et la Macédoine du Nord, pays candidats depuis 10 et 15 ans respectivement. Cependant, le président français Emmanuel Macron, ainsi que les chefs d’Etat des Pays-Bas et du Danemark, se sont opposés à l’ouverture de ces négociations, empêchant ainsi ces deux pays de commencer le processus d’adhésion. Emmanuel Macron a, lors de la conférence de presse suivant le conseil, justifié cette décision par une volonté de réformer le système d’adhésion, ainsi que d’améliorer et d’approfondir le fonctionnement de l’UE. Ce véto, étant largement passé inaperçu au radar des journaux français, a été fortement désapprouvé par la communauté européenne - le président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker l’a décrit comme "une erreur historique", ainsi que par les journaux européens.

Mais ces deux pays ne sont pas les seuls pays avec lesquels l’Union Européenne a engagé des discussions d’adhésion. En effet, la plupart des balkans occidentaux sont des pays candidats, candidats potentiels, ou sont en cours de négociations d’adhésion.

Dans le climat politique actuel de nombreux pays d’Europe de l’Ouest, dont la France, où l’euro-scepticisme, l’inquiétude suscitée par les vagues d’immigration, et le mécontentement général face aux politiques économiques en place grandissent, intégrer de nouveaux membres à l’Union Européenne est-elle la meilleure décision que les leaders européens puissent prendre ?

Bien évidemment, il est impossible de répondre à cette question par un simple “oui” ou “non”. Comme le montrent le résultat de ce vote au conseil de l’UE, les chefs d’Etat opposés à l’élargissement de l’Union Européenne sont en très petite minorité, et les raisons pour lesquelles cette opposition a été très critiquées sont entendables. En effet, cette décision du Conseil a conduit à une perte de confiance des pays candidats envers l’UE : la Serbie a même annoncé, quelques semaines après le Conseil général, qu’elle reconsidérait sa candidature. Plus largement, cette décision peut amener à décrédibiliser l’UE à l’avenir face à d’autres potentiels candidats, qui pourraient chercher d’autres partenaires qu’une Union Européenne dont la réalisation du processus d’adhésion apparaît incertain. Plus grave encore, ce report des négociations d’adhésion peut contribuer à l'accroissement de l’influence de la Russie dans la région ; les pays des Balkans ne trouvant pas satisfaction dans leur processus d’adhésion à l’UE, ceux-ci peuvent se tourner vers la Russie, qui est beaucoup moins regardante sur la situation démocratique et humanitaire chez ses partenaires économiques.

Cependant, sans souscrire à une idéologie souverainiste ou eurosceptique, les raisons ne manquent pas non plus pour ralentir ou reporter l’élargissement de l’Union. Il est vrai que les conditions d’adhésion à l’Union Européenne, bien que déjà ardues, devraient sans doute être revues. Comme le prouvent les développements récents en Hongrie, à Malte ou en Bulgarie, certains des derniers adhérents à l’UE peinent à respecter les standards européens en termes de démocratie et de corruption. D’autre part, si l’Union Européenne était à sa genèse une coopération économique, et que la finance et l’économie restent deux de ses principales activités, la configuration actuelle, très libérale, du marché unique, est une source de mécontentement pour de plus en plus de citoyens européens, particulièrement dans les pays de l’Ouest, et la poursuite et l’approfondissement de ces politiques libérales nourrissent le sentiment d’euroscepticisme ; et l’on peut se demander si l’imposition de ces pratiques aux pays candidats, seraient-ils amenés à rejoindre l’UE, leur sera réellement bénéfique sur le long terme. Si la volonté de poursuivre l’élargissement de l’UE par les leaders européens est compréhensible, celle-ci gagnerait aussi certainement en crédibilité auprès de ses candidats si elle commençait par convaincre l’ensemble de ses citoyens.

Sources :

Debating Europe, "Arguments For and Against EU Enlargement https://www.debatingeurope.eu/focus/infobox-arguments-for-and-against-eu-enlargement/#.Xcb7qyTPxPY

Centre for European Reform, "EU enlargement: Door half open or half shut?", Ian Bond, 9/10/2017 https://www.cer.eu/insights/eu-enlargement-door-half-open-or-door-half-shut

EU election Italy, "MEPs against against Council non-decision on EU enlargement", 23/10/2019 https://euelectionsitaly.blog/meps-against-council-non-decision-on-eu-enlargement/

Swedish Institute for European Policy Studies, "The Creeping Nationalisation of the EU Enlargement Policy", Christophe Hillion, 2010 http://www.sieps.se/en/publications/2010/the-creeping-nationalisation-of-the-eu-enlargement-policy-20106/