Emmanuel Macron lors de la conférence de presse sur la présidence française du Conseil de l'Union Européenne, le 9 décembre 2021 (Ludovic Marin/AFP)
La Présidence française du Conseil de l’Union Européenne n’a pas encore débuté qu’elle connaît déjà ses premiers remous. Un rapport commun de l’ONG Corporate Europe Observatory et de l’Observatoire des multinationales, publié le 20 décembre, alerte sur le lien étroit entre cette présidence et les grandes entreprises industrielles. Dans un dossier de 58 pages, les deux associations fustigent la préparation de la présidence par le gouvernement français, en étroite collaboration avec des « champions industriels », mais également le manque de transparence des réunions de lobbying entre le gouvernement et ces groupes industriels.
Mécénat sous surveillance
Se présentant comme un contre-pouvoir face aux grands groupes, l’Observatoire des multinationales pointent particulièrement du doigt l’appel fait à Stellantis (né de la fusion entre PSA et Fiat-Chrysler Automobiles) et Renault. Le gouvernement français a trouvé un accord avec les deux groupes pour que 220 véhicules « propres », selon le dossier de presse, soient mis à disposition des délégations.
Bien que ce partenariat soit présenté comme du mécénat par le gouvernement français, le rapport souligne les nombreux avantages, directs ou indirects, dont pourraient bénéficier ces entreprises : au-delà de l’opportunité que leur donne l’État français pour mettre en avant leur produit, les deux constructeurs automobiles bénéficient d’une place privilégiée pour influencer certaines politiques européennes, notamment la date de fin des voitures essences et diesel. Si la Commission européenne propose 2035, la France souhaite repousser l’échéance. Une décision qui profiterait à ses deux mécènes.
Le Secrétaire d’État aux affaires européennes Clément Beaune, acteur central de cette présidence, se défend de se rapprocher du secteur privé : « La seule chose que nous avons faite, c’est de demander à deux constructeurs automobiles – qui n’avaient d’ailleurs pas spécialement envie de le faire – de prêter des véhicules propres, électriques ou hybrides, et français, le temps de la présidence. »
« Nous avons évité tout sponsor privé et tout type de “goodies”. J’ai insisté pour que tout soit financé sur crédit public, sans partenariat. » Clément Beaune, secrétaire d’État aux affaires européennes
Lobbying organisé
Au-delà de cet accord avec Stellantis et Renault, le rapport met en garde contre le manque de transparence dans les réunions de lobbying organisées pour la préparation de la présidence et critique « la collaboration étroite entre les autorités françaises et les grandes entreprises ». L’association soulève leur forte représentation dans les rendez-vous de préparation. Sur les 38 rendez-vous du représentant permanent de la France au Conseil, 28 étaient avec des lobbies industriels ou des grandes entreprises. Seuls 2 étaient avec la société civile.
Pour autant, la situation française ne diffère pas des autres présidences européennes. En 2019, la Roumanie s’était associée à la firme américaine Coca-Cola, tandis que la présidence finlandaise flirtait avec BMW. Des situations qui avaient déjà soulevé la question de conflit d’intérêt au sein des décisions prises à l’échelle européenne. L’accord entre Stellantis-Renault et le gouvernement français est loin d'être inédit.