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Cette Convention adoptée en 2011 par le Conseil de l’Europe et entrée en vigueur en 2014 suite à sa 10ème ratification par l'Andorre, instaure un cadre juridique contraignant sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes au niveau international. A ce jour pourtant, la moitié des pays membre de l’UE, dont l’Allemagne et le Royaume Uni, ne l’ont toujours pas ratifiée, a déploré le Parlement.

L’Union pourrait ainsi adhérer en tant que telle à la Convention, indépendamment du processus de ratification dans chacun de ses Etats membres. Cela exercerait en outre une pression politique supplémentaire sur les États membres afin qu'ils ratifient à leur tour cet instrument. Cette adhésion aurait du sens puisque l'UE est compétente dans des domaines comme les droits des victimes, l'asile, la migration, ou encore la coopération judiciaire en matière pénale.

Les raisons de la lenteur de sa ratification coïncident avec une situation politico-sociale troublée en Europe et ailleurs, où l’on voit les forces conservatrices gagner toujours plus de terrain. Les droits des femmes mais également des minorités comme la communauté LGBT (lesbienne, gay, bisexuels et transsexuels) sont presque toujours parmi les premiers à pâtir d’une certaine vision traditionnaliste de la société.

Une semaine plus tôt en Ukraine jeudi 17 novembre, les députés ont ainsi rejeté le texte et l’ont renvoyé en comité pour qu’il soit retravaillé, le jugeant incompatible avec les valeurs de la société. Selon Iouri Soloveï, un député du parti du président Petro Porochenko, le texte chercherait à imposer des valeurs qui « bafouent les fondement du christianisme » dans un pays où l'Eglise orthodoxe a une forte influence. En effet, en interdisant les discriminations fondées « notamment sur la race (…), la couleur (…) l'orientation sexuelle » la Convention d’Istanbul a provoqué la division, notamment sur ce dernier point, dans un pays où l’homosexualité était encore punie à l’époque soviétique et où elle reste largement stigmatisée.

Ailleurs, les menaces semblent s’accumuler avec la même tendance. Dans la ville d’Istanbul, portant presque ironiquement le nom de la Convention, les femmes sont descendues dans la rue par milliers samedi 19 novembre, essayant avec succès d’empêcher l’avènement d’un projet de loi d’Erdogan prévoyant d’innocenter les auteurs d’agressions sexuelles qui épouseraient leurs victimes. La même motivation a récemment animée courant octobre les femmes polonaises face à une proposition de loi d’interdiction totale de l’IVG sous peine de prison, action une fois encore couronnée de succès. Même en France, ce droit doit encore être défendu alors que le Sénat rejetait fin septembre un amendement visant à élargir le délit d'entrave à l'avortement aux sites internet qui véhiculent des informations biaisées sur l'IVG. Pourtant, le danger d’être mal informé est réel face à l’influence grandissante de ces sites qui ne se présentent pas ouvertement comme anti-IVG et alors que le fait de chercher à empêcher une femme d’accéder à un établissement spécialisé pour pratiquer une IVG ou simplement s’informer, est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d’amende en dehors de la toile.

En Europe en 2014, les chiffres restaient accablants : même sur un continent où le droit est ancien, 1 femme sur 3 (soit 62 millions), y a été victime de violence physique et/ou sexuelle depuis l’âge de 15 ans selon le dernier rapport de l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne. L'UE, qui représente pourtant une communauté de valeurs fondées sur le respect de l'état de droit et la protection des droits fondamentaux, profite d’une faille, comme le rappelle la député européenne socialiste Christine Revault d'Allonnes, justement en matière de droits fondamentaux où certains droits spécifiques aux femmes sont tout simplement manquants. Cette faille a justement permis à des États membres comme la Pologne, Malte ou l'Irlande, qui considèrent l'avortement comme un crime, de rejoindre l'Union et elle permet également à tous les États membres de potentiellement remettre en cause un acquis si difficilement obtenu.

A présent, le vote de la résolution par le Parlement européen à une très forte majorité a permis d’envoyer un message fort et devrait pousser le Conseil à accélérer la procédure d’adhésion de l’UE à la Convention d’Istanbul. Cela constituerait un pas en avant important pour permettre une plus grande uniformisation des mesures de lutte contre la violence sexiste en Europe.

Sources :

Communiqué de presse du 25/11/2016 sur l’adoption de la résolution par le Parlement européen : http://www.europarl.europa.eu/news/fr/news-room/20161118STO51823/le-parlement-europ%C3%A9en-s%E2%80%99engage-contre-les-violences-faites-aux-femmes

Site du Conseil de l’Europe sur la Convention d’Istanbul : http://www.coe.int/fr/web/istanbul-convention/about-the-convention

Dernier rapport (2014) de l’Agence des droits fondamentaux de l’UE sur la violence à l’égard des femmes : http://fra.europa.eu/fr/press-release/2014/la-violence-legard-des-femmes-un-phenomene-omnipresent

Libération.fr, article du 29/09/2016 par Virginie Ballet : http://www.liberation.fr/france/2016/09/29/ivg-le-delit-d-entrave-numerique-ecarte-par-le-senat_1514517

Lefigaro.fr, article AFP du 17/11/2016 : http://www.lefigaro.fr/flash-actu/2016/11/17/97001-20161117FILWWW00198-conseil-de-l-europe-l-ukraine-refuse-de-ratifier-une-convention.php

lgbt.org (site en ukrainien), article du 17 novembre : https://www.lgbt.org.ua/news/show_4506/

Lemonde.fr, article du 10/05/2016 par Jakub Iwaniuk : http://www.lemonde.fr/international/article/2016/10/05/en-pologne-l-interdiction-totale-de-l-avortement-rejetee-en-commission-parlementaire_5008850_3210.html

Site de la Délégation Socialiste Française au Parlement européen, article du 24 novembre : http://www.deputes-socialistes.eu/la-violence-contre-les-femmes-est-un-probleme-qui-nous-concerne-tous/

Huffingtonpost.fr, article du 30/09/2016 par Christine Revault d’Allonnes, député européenne socialiste d’Ile de France : http://www.huffingtonpost.fr/christine-revault-dallonnesbonnefoy/lavortement-doit-devenir-un-droit-fondamental-reconnu-et-proteg/