Triste dessein que celui de l’Europe de la défense… Souvenez-vous de l’été 1954, où la France après avoir porté à bras le corps la CED, l’enterrait sauvagement. A n’en pas douter, le projet n’avait guère d’européen que le nom, car bien trop nombreuses étaient les arrière-pensées de notre état-nation. La défense européenne a en effet hérité au cours du temps de toutes les affres patriotiques des anciennes puissances hégémoniques, se résumant de fait à de rares et timides projets bilatéraux, hautement symboliques à l’instar de formidables outils cérémoniels.
Certes, l’Europe de la défense existe. Pensez aux grandes entreprises européennes de la défense, et aussi tant qu’à faire, à ceux qui en détiennent les capitaux… Mais ne rêvez pas, une véritable défense européenne ne peut exister aujourd’hui. Pas sans un exécutif pertinent. Pas sans un accord unanime. A titre d’exemple, tentez donc d’expliquer aux Français et aux Anglais, encore si fiers de leurs forces de dissuasion nucléaire, de leurs forces armées, de leurs histoires, qu’ils vont devoir se subordonner à une instance supranationale. N’essayez pas, c’est utopique.
Alors en attendant, l’Europe simule…
Comme les Etats-Unis avant eux, l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information (ENISA) et le Centre commun de recherche (JRC) ont mis en place avec l’accord de la Commission la première simulation d’une cyber-attaque : « CyberEurope 2010 ».
« Cet exercice, qui vise à évaluer l’état de préparation de l’Europe face aux menaces informatiques, est une première étape importante en vue d’instaurer une coopération dans la lutte contre les menaces en ligne », a expliqué dans un communiqué Neelie Kroes, vice-présidente de la Commission européenne chargée de la stratégie numérique. La simulation doit permettre « aux états membres de mieux comprendre comment les cyberincidents sont gérés et de mettre à l’épreuve les liaisons et procédure de communication à utiliser en cas d’incident réel à grande échelle ».
Ne vous méprenez pas, Terminator et Skynet, ce n’est pas pour demain. 320 injections par des pirates, pour l’occasion autorisés à s’amuser avec certains sites internet européens, sensibles ou non, cela reste bien modeste en comparaison avec les essais américains. 80 opérateurs ont ainsi tenté de rediriger les flux web en suivant les indications de leurs modérateurs nationaux situés à Athènes. Certes, les détails de cette opération demeurent confidentiels. Néanmoins, l’ENISA reconnaît que l’on est loin des opérations similaires à plusieurs millions de dollars menées depuis les Etats-Unis comme la récente action Cyber Storm sous la houlette du ministère de la Sécurité intérieure (US Department of Homeland Security).
Le prochain exercice massif sera coordonné quant à lui par l’OTAN, seul véritable garant d’une défense européenne, quelque part subordonnée aux ordres d’une coalition farouchement pro-américaine.
Allons bon, les européens ne sont-ils vraiment pas chiches de se défendre eux-mêmes ? En réalité, lorsqu’il faudra choisir entre une défense commune rationnelle et de multiples défenses gangrénées par des coupes budgétaires, le doute ne sera pas permis, il faudra avancer. Avec la PESD, et l’arrivée récente d’une Haute Représentante aux affaires étrangères, un mouvement se met en place, mais il ne faut pas le crier trop fort. Enfin… je crois bien que j’ai cédé un peu vite au fantasme ancien d’une Europe apaisée.
Arnaud Porsenna, Grégoire Fraty.