Une nouvelle étape dans la libéralisation du secteur ferroviaire est en cours sous l’impulsion de la Commission européenne. Depuis une vingtaine d’années, Bruxelles tente de décloisonner l’organisation des services de transports ferroviaires. En 2001 avait été adopté le paquet ferroviaire. Celui-ci comprenait trois directives dont l’objectif était d’une part, de redynamiser le transport ferroviaire, encore détenu en grande partie par des monopoles d'État restreints à leurs marchés nationaux respectifs, et d’autre part, de l'ouvrir progressivement à la concurrence au niveau européen. Mais quand il s’agit de dépasser le cadre étroit des frontières nationales, le marché ferroviaire est confronté à des difficultés techniques, légales mais aussi politiques. Du fait de ces difficultés, le paquet ferroviaire de 2001 n’a pas été correctement appliqué, c’est pourquoi la Commission européenne a préféré revoir sa copie en proposant une « refonte » des textes.
Avant même que le Parlement ne se prononce lors de la session plénière du 14 au 17 novembre 2011, les cheminots ont voulu lancer un nouvel avertissement en organisant mardi 8 novembre une « euro grève ». Le mouvement a été piloté par la Fédération européenne des travailleurs des transports (ETF) et a été relayé par les fédérations adhérentes dans plusieurs pays tels que l’Espagne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou encore l’Italie. En France, quatre des principaux syndicats de cheminots (CGT,CFDT,UNSA et CFTC) s’étaient joints à cette journée d’action européenne pour dénoncer « les projets de libéralisation et le démantèlement du service public ferroviaire ». D’après les syndicats, ce projet constitue « un vrai danger pour les chemins de fer en Europe » et ces nouvelles directives risquent de se traduire par une dégradation des équipements et du service aux usagers.
Malgré l’opposition des cheminots français et européens, les propositions de la Commission ont été soumises, le 15 novembre dernier, au Parlement européen. Pour assurer cette fois le succès de cette réforme, les eurodéputés se sont engagés à réécrire les règles mais d’une façon plus claire. Ils demandent également un organisme de réglementations solides, des règles d’accès aux voies équitables et une tarification des infrastructures transparente. Ils ont également prévu des fonds pour les infrastructures. En effet, de nombreux états ont préféré financer les infrastructures routières aux dépends du système ferroviaire. Selon Debora Serracchiani, rapporteur sur la révision de règles de libéralisation du service ferroviaire, un espace ferroviaire unique européen est la condition nécessaire pour que le secteur se développe et que les services, la qualité et les emplois s’améliorent. Par ailleurs, créer un espace ferroviaire véritablement unique contribuera à l'instauration d'un système de transport efficace et concurrentiel, conformément à la stratégie «Europe 2020» préconisant une croissance intelligente, inclusive et durable. Elle met également en avant les avantages pour les citoyens européens, qui auraient ainsi la possibilité de se rendre partout en Europe en train, avec des tarifs plus bas et un service comparable aux avions et aux voitures.
Mais la position de l’eurodéputée italienne ne fait pas l’unanimité. Certains eurodéputés craignent que cette ouverture du marché provoque une désorganisation du rail. L’eurodéputé luxembourgeois Georges Bach explique quant à lui que « les petites entreprises vont avoir beaucoup de difficultés avec les nouvelles régulations. Une séparation totale des domaines de l´infrastructure et de l’opérateur conduirait inévitablement à des coûts et des charges supplémentaires ainsi qu’à une bureaucratie augmentée ».
Alors un espace ferroviaire européen est-il un rêve ? A ce jour, les grands opérateurs (SNCF, SNCB, Deutsch Bahn…) restent encore fidèles à leur ancrage national et quelques trains seulement traversent les frontières nationales comme le Thalys, l’Eurostar ou encore le ICE. En 2001 le rail se voulait être la réponse au transport des biens, mais 10 après, le transport routier (soit 46% du fret ferroviaire) a dépassé de loin les trains ( seulement 11%). Dans ce contexte, il est essentiel de poursuivre la réforme ferroviaire. Mais cette refonte des textes permettra-t-elle de regagner le terrain perdu face aux autres modes de transport ? Le Conseil de l’UE doit désormais donner son avis sur le texte voté par le Parlement européen d’ici la fin de l’année.
Morwenna Joubin, Coralie Ledoux
- http://www.europarl.europa.eu/fr/pressroom/content/20111116IPR31605/html/Services-ferroviaires-le-Parlement-met-l%27espace-unique-europ%C3%A9en-sur-les-rails
- http://www.latribune.fr/entreprises-finance/services/transport-logistique/20111108trib000662569/greve-a-la-sncf-les-cheminots-contre-la-liberalisation-du-rail.html
- http://www.euractiv.fr/syndicats-europeens-vent-liberalisation-rail-article
- http://www.challenges.fr/entreprise/20111027.CHA6231/le-trafic-sncf-devrait-etre-perturbe-le-mardi-8-novembre.html