Le 17 novembre dernier le Parlement européen s’est montré plus que déterminé à imposer ses choix face à une Commission européenne hésitante, en adoptant une résolution sur la neutralité du Net. Les députés demandent à ce que la Commission s'assure que les « prestataires de services Internet ne puissent pas bloquer, discriminer ou nuire à la capacité de toute personne d'utiliser ou d'offrir tout service, contenu ou application de son choix, indépendamment de la source ou de l'objectif.» En outre, ils appellent la Commission à « contrôler les pratiques de gestion du trafic » de sorte que « les utilisateurs ne perdent pas leurs connections lorsque les réseaux sont congestionnés.»

Alors en quoi consiste vraiment ce principe de neutralité ? Il s’agit d’un principe fondateur d’Internet qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l'information transmise. Il repose tout d’abord sur le libre accès des utilisateurs à tout contenu avec une égalité de traitement du trafic. On constate aujourd’hui un phénomène de hiérarchisation du trafic et ce afin que les prestataires puissent offrir les services les plus rapides et les meilleurs à ceux qui payent le plus d'argent. De même, des gouvernements de par le monde cherchent à mettre en place des techniques de filtrage du réseau en vue de rétablir le contrôle dont ils jouissent sur les médias traditionnels.

Le Parlement souhaiterait donc maintenir Internet ouvert plutôt qu’augmenter son utilisation à des fins commerciales. En effet, faute de respect de la « neutralité », les fournisseurs d'accès peuvent être tentés de favoriser leurs propres services par rapport à ceux de leurs concurrents. Mise à part le ralentissement intentionnel des connexions Internet pour les clients qui ne payent pas le prix plein, des services spécifiques tels que Skype pourraient se voir bloqués pour éviter la concurrence avec des services de téléphonie traditionnels.

A ce sujet Catherine Trautmann est intervenue dans le débat du 18 novembre2011 au Parlement et a prôné « la transparence dans la gestion du trafic en cas de congestion et une qualité de service minimum » qui « sont des conditions de base.» Elle a également souligné que « les blocages persistants de contenu ou d’application démontrent qu’elles ne suffisent plus ». Au nom du groupe S&D (Groupe de l'Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates), elle a rappelé « le caractère essentiel d’Internet pour les droits fondamentaux et le pluralisme des médias ainsi que la nécessité de garantir la confidentialité des communications et la vie privée.» De plus elle s’oppose fermement « à la création d’un Internet à deux vitesses qui discriminerait les foyers à revenus les plus modérés, déjà fortement touchés par la crise.» Le collectif citoyen « la Quadrature du Net » a dénoncé à travers son co-fondateur et porte-parole Jérémie Zimmermann le comportement ambigüe de la Commission européenne et de la Commissaire en charge de la stratégie numérique, Neelie Kroes. D’après Zimmermann, la Commission s’est par le passé « engagée à préserver la neutralité du Net. Il est temps que cesse cette ambivalence, et que soit adoptée une réglementation européenne en matière de neutralité du Net.» Kroes se défend en insistant sur l’importance de la transparence. Celle-ci continue de nier les restrictions illégitimes que les opérateurs télécoms imposent de par l'Europe.

C’est donc un bras de fer qui s’annonce entre Parlement et Commission. Du fait du vote massif des eurodéputés au Parlement, la Commission a désormais tout intérêt à avancer dans son sens et à faire son possible afin de garantir la concurrence, l'innovation ainsi que la liberté d'expression et la vie privée des citoyens. L’ORECE (l'Organe des régulateurs européens des communications électroniques) chargé par la Commission de réaliser une enquête sur les pratiques discriminatoires de gestion de trafic devra rapidement publier ses résultats, comme l’exige le Parlement européen. Bien que la Commission ait promis de sévir en cas de manquement, il est encore difficile à ce stade de déterminer si elle présentera des « orientations » ou une législation contraignante pour le secteur. Quant au Parlement qui demande un nouvel examen de la Commission dans les six mois à venir si d’autres mesures sont nécessaires en matière de neutralité du Net, il se prononce radicalement opposé aux pratiques anticoncurrentielles.

Morwenna Joubin, Coralie Ledoux

Sources :

  • http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/le-parlement-europeen-demande-la-preservation-de-la-neutralite-du-net-17-11-2011-1397285_47.php
  • http://www.deputes-socialistes.eu/?p=7007
  • http://www.euractiv.fr/parlement-souhaite-conserver-internet-ouvert-article
  • http://www.laquadrature.net/fr/le-parlement-europeen-vote-massivement-en-faveur-dun-internet-neutre