Laurent Lamothe, premier ministre haïtien depuis 2012, a démissionné de son poste ce dimanche 14 décembre 2014. Cette démission, annoncée dans un discours au peuple haïtien (1), fait suite à une montée de la violence dans les manifestations qui réclament le départ du premier ministre et du président haïtien Michel Martelly depuis plusieurs semaines. (2)

Le départ de Monsieur Lamothe, qui laisse place à un vide politique et à une incertitude concernant la suite des évènements, n'a pas entraîné un arrêt des manifestations. (3) Selon Alterpresse, média alternatif haïtien, la crise politique semble même amplifiée. Les manifestations antigouvernementales sont légitimes : les élections municipales qui devaient avoir lieu au mois de mars 2014 ont déjà été repoussées deux fois, et les élections législatives partielles du mois d’octobre ont connu le même sort. (4) Si elles sont légitimes, peut-être ne sont-elles pas bien réfléchies : si les manifestants souhaitent le départ de Martelly, aucune solution n’a été trouvée dans le cas où celui-ci démissionnerait réellement.

Face à cet événement majeur de la vie politique haïtienne, quelle a été la réaction européenne ?

La presse européenne a relayé timidement l'information, axant les articles sur les manifestations plus que sur la démission du Premier Ministre en elle-même.(5) Pourtant, les manifestations en Haïti ne datent pas d'aujourd'hui. Déjà, au mois d'octobre, les mouvements de protestations contre le gouvernement haïtien prenaient de l'ampleur. (6) Les grands titres européens semblent avoir découvert, ce dimanche 14 décembre, qu'une crise politique majeure -qui a commencé il y a trois ans- secoue Haïti.

Si la presse ne s'est pas massivement emparée du sujet, que dire des institutions européennes ? Pas un communiqué, pas une annonce, pas une remarque n'a été faite sur le sujet de la part des représentants européens. Federica Mogherini, qui semble attaquer sur tous les fronts, aurait-elle oublié celui-ci ? Pire encore, la délégation européenne de l'UE en Haïti n'a, à ce jour, rien publié sur la démission de Laurent Lamothe. (7) Sur le site de cette même délégation, il est pourtant stipulé que «L'Union européenne entretient un dialogue politique régulier avec le gouvernement d'Haïti ... Ces dernières années, ce dialogue s'est notamment concentré sur le renforcement de la gouvernance en Haïti.» (8) Qu'en est-il de ce dialogue au jour où la politique haïtienne est plus fragile que jamais ?

Haïti, un des pays les plus pauvres du monde, reste seule dans son combat pour la démocratie. La communauté européenne ne semblant pas réagir, serait-ce sur l'appui des Etats-Unis qu'il faudra compter ?(9) Comme l'a écrit Christophe Wargny, il serait donc vrai qu' « Haïti n'existe pas ». (10)

(1)Le Nouvelliste, 15 décembre 2014. http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/139360/Je-quitte-mon-poste-avec-le-sentiment-du-devoir-accompli
(2)Le Monde, 14 décembre 2014. http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/12/14/haiti-demission-du-premier-ministre-apres-de-violentes-manifestations_4540267_3222.html
(3)Alterpresse, 16 décembre 2014. http://www.alterpresse.org/spip.php?article17447
(4)Le Monde, 26 octobre 2014. http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/10/26/elections-annulees-en-haiti_4512612_3222.html
(5)BBC News, 14 décembre 2014. http://www.bbc.com/news/world-latin-america-30468424
(6)Alterpresse, 24 octobre 2014. http://www.alterpresse.org/spip.php?article17200
(7)Site internet de la délégation de l'UE en Haïti. http://eeas.europa.eu/delegations/haiti/index_fr.htm
(8)Site internet de la délégation européenne. http://eeas.europa.eu/delegations/haiti/eu_haiti/political_relations/index_fr.htm
(9)Libération, le 14 décembre 2014. http://www.liberation.fr/monde/2014/12/14/haiti-demission-du-premier-ministre-laurent-lamothe_1163292
(10)C.WARGNY. Haïti n'existe pas : 1804-2004, deux cents ans de solitude. Paris : Autrement. 2008.