Avec la crise ukrainienne est venu se poser sous un nouvel angle une question récurrente quand on évoque la Serbie, celle de son allégeance. Si sa proximité avec la Russie n’avait pas posé de problème aux dirigeants européens jusqu’alors, c’était sans compter sur la suggestion de la Commission Européenne adressée à la Serbie de se joindre aux sanctions économiques prises contre la Russie. Sur ce point la réponse Serbe est claire : « Notre décision stratégique (d'adhérer à l'Union européenne, ndlr) n'est pas et ne sera pas un obstacle à la promotion ultérieure des relations fraternelles avec la Russie. La Serbie n'imposera jamais de sanctions contre la Russie, les sanctions n'ayant jamais apporté rien de bon à personne et ne pouvant contribuer à la résolution des problèmes quels qu'ils soient » (1), a déclaré à la Douma Maja Gojkovic, présidente du parlement serbe. Devant ce refus du gouvernement Serbe, le commissaire Johannes Hahn en charge de la politique de voisinage et d’élargissement s’est exprimé à l’occasion de plusieurs interventions dont l’objectif semblait être de "sauver les meubles". Des interventions qui ont par ailleurs été complétées par un voyage diplomatique de M. Hahn en Serbie et d’une rencontre entre le commissaire et Ivica Dačić, premier vice-président et ministre des affaires étrangères du gouvernement Serbe. A l’occasion de ce voyage diplomatique on a pu lire dans la presse des déclarations ayant pour but de relativiser le désaccord, on a donc pu lire des articles visant à démentir l’information selon laquelle il aurait été explicitement demandé à la Serbie de se joindre aux sanctions contre la Russie : « Il n’existe pas une demande explicite de l’UE à la Serbie d’introduire des sanctions contre la Russie, bien que Bruxelles s’attende à ce que Belgrade harmonise avant son adhésion sa politique étrangère avec la politique de l’Union, a déclaré le chef de la diplomatie serbe Ivica Dačić » (2). Quelques jours plus tard à peine, le commissaire Hahn déclarait que « l'attitude de la Serbie envers la Russie n’affectera pas l'ouverture des premiers chapitres dans les négociations avec l'UE et une pression n’est pas exercée sur Belgrade afin qu’elle impose des sanctions contre Moscou » (3).
Cependant, M. Hahn aurait déclaré au cours de son entretien avec Dačić, que Bruxelles s’attendait à voir les États candidats aligner leurs politique étrangère à celle de l'Union, et on voit assez mal ce que cela voudrait dire d’autre pour la Serbie que de rejoindre les sanctions contre la Russie, si celles-ci devaient se prolonger dans le temps.
Cependant, illustrant l’aspect paradoxal des relations entre la Serbie et les deux géants, ces dernières semaines ont aussi été l’occasion pour les représentants Serbes d’affirmer encore leur volonté de voir la Serbie adhérer à l’Union. Une volonté qui est d’ailleurs partagée par les représentants de l’Union comme en témoigne la réaction du commissaire Hahn, où celle de Mme Mogherini, cheffe de la diplomatie européenne qui déclarait dans un communiqué publié le 18 novembre 2014 : « J’ai réitéré au Premier Vice-Premier ministre Dačić notre position sur la nécessité de l'alignement progressif de la Serbie avec la politique étrangère de l'UE » (4).
Il faut noter que l’intégration de la Serbie dans l’Union est parmi les plus avancées. En effet, le pays s’est vu accordé le statut de candidat officiel par la Commission Européenne en 2011, puis par le Conseil européen en mars 2012 et la Serbie espère d’ailleurs devenir membre de l’UE en 2020.
La position de la Serbie reflète assez nettement la position des pays de l’est de l’Europe. Partagée entre son désir de faire partie de l’Union Européenne et son passé, ses liens culturels forts avec la Russie. Il est vrai qu’il ne semble pas nécessaire de freiner les négociations entre la Serbie et l’Union Européenne sur la question des sanctions contre la Russie qui n’est pas une priorité dans l’agenda de l’intégration de la Serbie pour le moment. Mais on ne peut s’empêcher de se demander ce qui se passerait si la crise ukrainienne devait se prolonger et que la Serbie se retrouvait divisée entre ses liens avec la Russie et son ambition européenne.
Commentaires
Tu as parfaitement raison. J'y ajoute que le cas serbe est un cas exceptionnel concernant les liens entre les pays de l'est et la Russie. Longtemps interrompues après le conflit entre Tito et Stalin qui a failli faire entrer les deux pays en guerre, leurs relations n'ont fait que s'améliorer depuis ce moment-là, tandis que les autres pays de la région, qui avaient de très bonnes relations avec la Russie jusqu'en 1989, ont fait un vrai recul..
Aleksandar Valkodinov