Tout dans cette acquisition pouvait faire penser à une histoire de famille; jusque dans les termes employés par les ministres de la culture Fleur Pellerin et Jet Bussemaker, qui étaient "heureuses d'annoncer" par un communiqué de presse le 30 septembre dernier, l'arrivée de deux toiles du fameux peintre néerlandais Rembrandt dans la grande famille européenne.

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                 Maerten Soolmans et son épouse Oopjen Coppit, peints par Rembrandt, milieu du XVIIème siècle.



Les deux portraits, peints par Rembrandt au milieu du XVIIème siècle pour un couple de marchands néerlandais, avaient d'abord été proposés en 2013 au musée du Louvre par la branche française de la famille Rothschild qui désirait s'en séparer. Mais le prix de 160 millions d'euros étant trop élevé pour le musée français, les toiles s'étaient retrouvées en danger de quitter le sol européen avec des acheteurs potentiels américains ou qataris. C'est à ce moment là que les Pays-Bas, au travers du Rijksmuseum, sont entrés en jeu, faisant de l’acquisition une véritable histoire de famille. Les tableaux devaient rester européens.
Après de longs mois de discussion, un accord particulier et complexe voyait le jour, le premier du genre entre deux musées de nationalité différente. Chacun des musées, le Louvre et le Rijksmuseum a ainsi acquis un tableau, imposant par la même occasion un divorce forcé au couple qui avait fait immortalisé son union par le célèbre peintre. Et c'est là que le problème se pose. Comment faire pour éviter la séparation, si douloureuse aux yeux des conservateurs, des deux toiles qui ne forment qu'une seule et même œuvre ? C'est finalement la solution de la garde alternée qui a été choisie. Les tableaux seront exposés ensemble à tour de rôle "dans deux des plus beaux et grands musées du monde" et pourront ainsi être " présentées au plus grand nombre", selon les mots de la ministre française de la culture. Cette solution, pourtant prisée par de nombreux couples divorcés, n'a pas manqué de faire ressurgir de vieilles querelles familiales d'héritage et de patrimoine, puisque les tableaux ont été français durant de nombreuses générations mais peints par un peintre néerlandais. Cette coopération a donc été présentée sous sous différents angles selon qui traitait l'information. Si certains comme Les Echos y ont plutôt vu une captation par les Pays-Bas, seuls gagnants dans cet échange; d'autres, comme Le Monde et The Guradiran ont plutôt souligné l’aspect de partage bilatérale entre les deux pays. Mais c'est le magazine eurocitoyen Le Taurillon qui s'est le plus démarqué en offrant une analyse plus poussée, replacée dans le cadre européen.

Car en effet, outre un bel exemple de rapprochement et de coopération interculturelle entre deux pays, c'est aussi la naissance d'un patrimoine commun européen qui ressort de cette histoire. Bien que celui-ci ai déjà été défini par le traité de la Convention culturelle européenne du Conseil de l'Europe de 1954 et réaffirmé par le traité de Maastricht en 1992. Les deux œuvres d'arts sont un exemple concret d'une notion qui intègre les mentalités et les comportements. Car garder les toiles sur le sol européen, peu importe le pays, était un enjeu majeur de cette acquisition, comme l'ont soulignées les deux ministres de la culture, très présentes dans les négociations. Et si certains se sont alarmé sur le risque de politisation des musées et de la culture, Le Taurillon a quant à lui souligné un rapprochement entre les états membres de l'Union européenne qui se faisait par le bas, par des acteurs non gouvernementaux. Ce qui promet "de nouvelles perspectives de coopération européenne hors des champs politiques et économiques".

Communiqué de Presse, Ministère de la Culture et de la Communication - http://www.culturecommunication.gou...

Le Monde - http://www.lemonde.fr/culture/artic...

The Guardian - http://www.theguardian.com/artandde...

Toute l'Europe - http://www.touteleurope.eu/les-poli...

Le Taurillon - http://www.taurillon.org/quand-remb...