Déjà polémique et critiqué entre autres par le Conseil de l’Europe, on compte néanmoins prolonger l’état d’urgence. Pas « éternellement » bien sûr, mais quand même « jusqu’à ce que on peut en finir avec Daesh », selon le premier ministre. Son discours est facilement démontable. Il a évoqué l’idée d’« une guerre totale et globale », faisant penser à une guerre presque mondiale, ce qui est bien sûr totalement absurde, quand on y pense. Certes, Daesh a attaqué la France. Certes, Daesh a été à l’origine d’attentats au Liban, en Turquie… Certes, Boko Haram au Nigeria a prêté allégeance à Daesh. Et pourtant, cette guerre n’est ni globale ni totale. Nous ne pouvons pas dire que la France est en guerre. Encore moins qu’il s’agit d’une guerre totale. Une guerre totale est un concept pour définir l’idée que chaque individu, chaque élément de la société, toute l’économie, est tourné vers l’effort de guerre. La guerre 14-18, ça c’est une guerre totale, pas la situation que l’on vit depuis le 13 novembre.

Manuel Valls a aussi évoqué la question des réfugiés. Il a entre autres insisté sur l’idée de « hotspots » en Turquie et au Liban. L’Europe, selon Valls, « ne peut pas accueillir tout le monde ». Il n’a toutefois pas mentionné que ces deux pays ont accueilli beaucoup plus de migrants que l’Europe. La Turquie a accueilli 1,8 million de personnes, le Liban 1,2 million. Chiffre d’autant plus impressionnant si on prend en compte le fait que le Liban a une population totale de seulement 4 millions de personnes. 25 % de la population est réfugié. Pour que la France arrive à ce niveau, il faudrait accueillir 20 millions de personnes ! Manuel Valls donne l’impression que c’est l’Europe qui fait tous les efforts, et que l’on résoudrait le problème simplement en trouvant une solution sur place. Propos totalement irréalistes, mais qui font bien à un électorat qui vote de plus en plus extrême-droite.

Puis, le premier ministre répond à l’idée que l’espace Schengen est mort. Il le fait en faisant une confusion, par accident ou délibéré, de certains termes qui sont en effet confus pour beaucoup. D’abord, il dit que l’ « espace Schengen peut mourir ». Puis, c’est « l’Europe » qui peut mourir, et enfin il décide que c’est « le projet européen ». Il faudrait, selon lui, « protéger les frontières extérieures ». Il le présente comme si ce n’est pas le cas aujourd’hui. Pourtant, il y a Frontex, qui n’est pas forcement connu par le grand public, mais qui fait déjà un effort considérable pour protéger les frontières, et qui est aussi parfois critiqué par les organisations de droits de l’homme.

Plus grave même, ces réfugiés sont tout au long du discours présentés comme une grave menace. Angela Merkel a certes « eu du courage », mais Valls n’hésite pas de rappeler les incidents à Cologne. Autrement dit, l’Allemagne a fait une erreur et se trouve maintenant en danger. On évoque l’idée de « protéger » les frontières. En l’écoutant, on dirait que Schengen est en danger à cause des étrangers. A aucun moment, on évoque l’attitude de la Hongrie par exemple. On n’évoque pas la situation à Calais. On n’évoque pas le naufrage récent en Mer Egée. On n’évoque pas les réalités de guerre en Syrie. On ne se dit pas que peut-être, ces réfugiés ne viennent pas pour nous embêter, ou pour mettre en danger l’espace Schengen. Ce sont, après tout, bien les pays européens qui ont fermés les frontières intérieures.

Il est très clair que plus que jamais il est important de penser pour soi-même, de ne pas prendre les discours politiques au premier degré. Peut-être, le vrai danger n’est pas Daesh. Peut-être, le vrai danger se trouve en effet à l’intérieur. Peut-être l’état d’urgence et les restrictions aux libertés personnelles sont beaucoup plus inquiétants que la menace terroriste.

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Sources : http://www.bbc.com/news/world-europe-35375303?ocid=socialflow_twitter

http://www.lefigaro.fr/international/2015/07/09/01003-20150709ARTFIG00195-le-nombre-de-refugies-syriens-depasse-pour-la-premiere-fois-les-quatre-millions.php