98b2cc7da004058c5cd13d7a932ac94845202b35.jpg Federica Mogherini, Haute Représentante de l'Union pour les Affaires Etrangères et la Politique de Sécurité, et Mohammad Jawad Zarif, Ministre des Affaires Etrangères iranien.

Le 16 janvier dernier, l’accord sur le nucléaire iranien a officiellement commencé à produire ses effets, ont annoncé la Haute Représentante de l’Union pour les Affaires Etrangères Federica Mogherini et le Ministère des Affaires Etrangères iranien Mohammad Jawad Zarif. Dans une déclaration commune, ils affirment que « l'Iran ayant rempli ses engagements, aujourd'hui, les sanctions économiques et financières multilatérales et nationales liées au programme nucléaire iranien sont levées ». Le Secrétaire d’Etat américain John Kerry a également confirmé de son côté que « les engagements des États-Unis liés aux sanctions tels qu'ils sont décrits l'accord de juillet ont dorénavant pris effet ».

Pour comprendre le caractère historique de cette annonce, il faut remonter au début des années 2000 : face à la reprise d’activité du programme nucléaire iranien, pouvant potentiellement aboutir à l’obtention de la bombe atomique, les Etats-Unis ont d’abord unilatéralement adopté une série de sanctions économiques à l’égard de ce pays faisant partie de « l’axe du Mal », selon les termes de George Bush Junior. Ils ont par la suite été imités par l’ONU et l’Union Européenne (UE), le principe de non-prolifération nucléaire, l’un des piliers de l’action internationale en faveur de la paix, étant potentiellement menacé.

Cette rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, accompagné de son exclusion du commerce international, ont contribué à l’isolement de ce pays, qui possède pourtant de gigantesques réserves de pétrole. C’est ce qui a amené les gouvernements successifs à envisager des discussions avec la communauté internationale en vue de lever l’embargo et d’affirmer sa puissance sur le plan régional et international. L’arrivée de Barack Obama à la Maison Blanche en 2008 a accéléré le processus. Il aura tout de même fallu douze ans d’âpres négociations pour aboutir enfin, le 14 juillet dernier, à un accord signé à Vienne par l’Iran d’un côté, et le groupe P5+1 de l’autre (composé des cinq membres du Conseil de Sécurité et de l’Allemagne). Federica Mogherini, en sa qualité de cheffe de la Commission Mixte en charge de négocier l’accord, a également joué un rôle important pour parvenir à une entente visant à garantir le caractère civil du programme nucléaire iranien contre une levée progressive des sanctions qui paralysaient le pays. La communauté internationale dans sa grande majorité a salué un consensus historique parvenu à contenter toutes les parties aux intérêts très divergents. L’Arabie Saoudite et Israël, grands rivaux de l’Iran au Moyen-Orient, ont toutefois exprimé leur inquiétude face à la reprise du programme nucléaire par leur voisin chiite. Cela n’a pas freiné les protagonistes de l’accord, qui ont réaffirmé leur volonté de mener à bien leurs engagements respectifs.

C’est une première étape qui a été franchie dans ce sens le 16 janvier, l’ « Implementation Day ». L’Iran a respecté les termes de l’accord en transférant la grande majorité de son stock d’uranium enrichi en Russie, et en démantelant son réacteur à eau lourde dans la ville d’Arak. L’AIEA (Agence Internationale de l’Energie Atomique, organisme de surveillance nucléaire de l’ONU) a certifié la conformité des actes de l’Iran avec ses engagements, ce qui a permis la suppression de certaines sanctions. L’ONU a levé l’embargo sur le pétrole à l’export, les Etats-Unis ont annulé l’interdiction pour les banques internationales de faire affaire en dollars avec l’Iran, et enfin 30 milliards de dollars tirés de la vente de pétrole iranien et placés sur des comptes internationaux ont été dégelés.

Cependant, certaines sanctions à l’égard de l’Iran vont être maintenues en raison de son soutien à des groupes terroristes et de ses violations des Droits Humains. Ainsi, il reste impossible, sous peine d’amendes considérables, de commercer avec des entreprises liées à l’Armée des Gardiens de la Révolution Islamique, alors qu’elle contrôle des pans entiers de l’économie iranienne. Ainsi, les conséquences de la levée des sanctions mise en œuvre le 16 janvier vont être importantes mais mesurées : les banques internationales vont probablement se montrer prudentes après l’affaire BNP Paribas qui, en mai 2015, avait contraint l’établissement à verser une amende record de 9 milliards de dollars aux Etats-Unis pour avoir effectué des transactions en dollars avec une banque iranienne. Cela étant, le FMI prévoit une croissance du PIB de 5% en 2016. Une autre conséquence à prendre en compte concerne la baisse du prix des barils de pétrole : cela met l’économie russe dans une position particulièrement inconfortable, car le pays est très dépendant de ses exportations d’énergies, et la concurrence de l’Iran a porté un coup dur au rouble, qui s’est effondré.

Mme Mogherini et M. Zarif restent persuadés du bienfondé de l’accord et de sa mise en œuvre. Dans leur déclaration conjointe, ils ont répété que « toutes les parties restent fermement convaincus que cet accord historique est à la fois fort et juste, et qu’il répond aux exigences de tous ; sa mise en place concrète constituera une contribution majeure à la paix régionale et internationale, à la stabilité, et à la sécurité ». La coopération entre les pays de l’UE et l’Iran sort donc renforcée : le président iranien Hassan Rohani sera en visite officielle en France fin janvier ; de son côté, Federica Mogherini a annoncé son intention de se rendre en Iran au printemps pour « couvrir les différents aspects de notre potentielle coopération et étudier en détail quels domaines de coopération nous pouvons explorer ». Car l’accord entre le groupe P5+1 et l’Iran ne concerne pas que la non-prolifération : il pose la question plus globale du rééquilibrage des influences des pays du Golfe, et du rôle régional de ce pays dans la lutte contre la guerre en Syrie.

Sources :

The Financial Times, "Iran : Implementation Day explained", 17/01/2016
Algérie Presse Service, "Accord sur le nucléaire iranien: consécration de longs pourparlers, ouverture d'une nouvelle ère entre Téhéran et l'occident", 24/12/2015
France 24, "Les Etats-Unis et l'UE lèvent leurs sanctions contre l'Iran : qu'est-ce qui va changer ?", 17/01/2016
Service Européen pour l'Action Extérieure, "Remarks by HRVP Federica Mogherini at the press conference following the Foreign Affairs Council", 18/02/2016
Service Européen pour l'Action Extérieure, "Joint statement by EU High Representative Federica Mogherini and Iranian Foreign Minister Javad Zarif", 18/01/2016