En novembre 2015 ont eu lieu, en Pologne, des élections législatives. A la fin de ce scrutin, c’est le parti conservateur eurosceptique "Droit et Justice" qui l'a emporté. Ainsi c’est Beata Szydło qui est nommé Premier ministre. Le 13 janvier 2016, la Commission européenne lance contre le gouvernement une enquête préliminaire. La cause de celle-ci est une réforme controversée engagée par ce gouvernement. En effet, celle-ci introduit le principe de la majorité qualifiée au sein du Tribunal constitutionnel, la plus haute autorité du pays. En outre, pour pouvoir faire obstacle à une décision du gouvernement, la décision devra recueillir 13 votes de juges sur 15 contre 9 avant. Là où cette réforme pose problème c’est dans le fait, qu’aujourd’hui, le parti Droit et Justice a réussi à placer 5 juges de son choix. Ainsi, il sera difficile, voire quasi-impossible, pour le tribunal constitutionnelle de s’opposer au gouvernement. Au-delà du problème démocratique interne que pose cette réforme, il est intéressant de se demander si, finalement, la démocratie ne va pas « tuer » l’Union européenne ?
La démocratie, et donc le respect de l’Etat de droit, est une des conditions d’accès à l’entrée dans l’Union européenne. Elle a été érigée, depuis la Révolution américaine qui a « créée » la démocratie moderne, comme un rempart contre la tyrannie. En effet, si les peuples peuvent élire leurs représentants alors, de manière rationnelle, ils ne vont pas mettre au pouvoir quelqu’un qui leur veut du mal. Cependant, dans le cas de la Pologne mais aussi dans d’autre pays, une dérive mais aussi une force de la démocratie bien précise peut à terme « tuer » l’Union européenne. Ce principe est le vote. Celui-ci peut être à double tranchant. D’un côté, le vote permet de lutter contre une tyrannie possible mais d’un autre côté, il peut favoriser la mise en place de celle-ci. Platon, le philosophe grec, avait compris ce côté du vote. En effet, il affirme « Le peuple est un animal inconstant, ingrat, cruel, jaloux, incapable de se laisser conduire par la raison » (La République). Pour lui, le peuple est soumis et adhère facilement à la démagogie. Cette vision de la démocratie peut être illustrée par la montée des partis populistes, majoritairement eurosceptiques, dans les pays de l’Union européenne.
L’enquête préliminaire lancée par la Commission peut favoriser la défiance, déjà forte, envers l’Union européenne. En effet, par cette enquête, la Commission va à l’encontre publiquement des réformes entreprises par le gouvernement polonais et donc à l’encontre du gouvernement. Or la majorité des polonais soutiennent leur gouvernement et voyant cette « attaque » contre celui qui a été élu, ils risquent d’accuser l’Union européenne de vouloir aller à l’encontre de leur démocratie. La légitimité de l’Union européenne risque donc d’être affaiblie et le mécontentement des peuples européens vis-à-vis d’elle continuerait à augmenter. Donc, finalement, il se pourrait que l’action de la Commission européenne devienne contreproductive par rapport à son objectif initial qui était de rappeler à l’ordre la Pologne sur ses devoirs. De plus, si on veut aller jusqu’au bout du raisonnement, cette action permet la mise en place d’un terreau pour la sortie de la Pologne de l’Union européenne. En effet, en voyant cette enquête, le gouvernement eurosceptique polonais pourrait prétexter cette « attaque » pour faire un referendum pour la sortie de la Pologne de l’Union européenne. Ce raisonnement n’est que pur fiction en l’état actuel des choses mais il est envisageable à moyen/long terme.
Ainsi la démocratie qui est un moteur pour la construction européenne peut être aussi le fossoyeur de l’Union européenne. Actuellement, les mouvements eurosceptiques se répandent de plus en plus en Europe et accèdent de manière démocratique à la tête des pays (Pologne, Grèce, Hongrie,…). Ils pourraient à moyen/long terme, si la politique européenne ne se réforme pas en profondeur, mettre fin à l’Union européenne. Les pays, sous leurs impulsions, quitteraient une Union qui imploserait. Ce processus a déjà commencé avec les affaires du Brexit et Grexit et pourrait s’intensifier rapidement si rien ne change.
Sources : http://www.lesechos.fr/monde/europe/021583414758-le-president-polonais-enterine-la-reforme-controversee-du-tribunal-constitutionnel-1187898.php http://www.lemonde.fr/europe/article/2016/01/13/bruxelles-lance-une-enquete-preliminaire-inedite-sur-la-situation-de-l-etat-de-droit-en-pologne_4846618_3214.html