Quelques considérations historiques

Pour les Nations Unies, les territoires non-autonomes, comme le Sahara occidental, sont non-décolonisés : dans la majorité des cas, ils n'ont pas de statut juridique définitif. Le Sahara occidental, territoire situé entre le Maroc, la Mauritanie à l'Est et au Sud et l'Algérie au Nord-Est, est placé sous protectorat espagnol en 1884. Durant le processus de décolonisation, la Cour international de justice statut sur l'existence de liens historiques réels entre le Maroc et le Sahara occidental, ce qui déclenche la Guerre du Sahara occidental, contre l'Espagne. Après le retrait des troupes de Franco, le Front Polisario, mouvement politique et armé crée en 1973 pour lutter contre l'occupation coloniale, proclame sur le Sahara occidental la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Mais la fin du protectorat espagnol a été précédé par les Accords de Madrid, qui accordent les deux tiers sud et le tiers sud du territoire, respectivement au Maroc et à la Mauritanie, des puissances que la RASD considère comme illégitimes. Si en 1979, un traité de paix est signé avec la Mauritanie, qui cède aux sahraouis le territoire occupé, les tensions avec le Maroc persistent. Si le conflit armé prend fin en 1991, le conflit politique divise en deux le Sahara occidental : le Front Polisario contrôle 20% du territoire tandis que séparés par le « Mur marocain » depuis les années 1980, les 80% restant sont administrés par le Maroc de Mohammed VI.

SO.png Source : Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés

L'Union européenne au cœur du conflit

En 2012, l'Union européenne, dans le cadre de la Politique européenne de voisinage, conclut un accord de libéralisation et d'association avec le Maroc, qui prévoit des mesures de libéralisation réciproques essentiellement sur les produits agricoles et issus de la pêche. En 2015, le Front Polisario saisit la Cour européenne de justice, demande l'annulation de l'Accord et obtient gain de cause. L'instance judiciaire de l'Union européenne stipule alors que l'intégration du Sahara occidental à cet accord viole le droit international et par extension les principes de l'Union. Mais, accrochez-vous bien, nouveau rebondissement au Luxembourg le 21 décembre 2016 : « Les accords d'association et de libéralisation conclus entre l'UE et le Maroc ne sont pas applicables au Sahara occidental » déclare la Cour de Justice. Cela signifie l'annulation... de l'annulation des Accords et le rejet du recours (en annulation) formé par le Front Polisario. Pour la CJUE, le statut de territoire non-autonome du Sahara occidental en fait un territoire juridiquement distinct du Maroc, ce qui y autorise la non-application des Accords économiques.Au-delà des conséquences économiques de l'arrêt émis, les conséquences politiques sont considérables: la justice européenne rappelle l'illégalité de l'occupation marocaine et le droit à l'autodétermination du peuple sahraoui. L'arrêt parle de lui-même également quant à l'influence des instances politiques européennes à l'extérieur des frontières de l'Union.

Federica Mogherini, vice-présidente de la Commission européenne et cheffe de la diplomatie, s'est rendue au Maroc, suite à la décision du gouvernement de suspendre tout contact avec les institutions européennes.

Et au-delà des implications économiques... : les détenus sahraouis de Gdeim Izik

Au-delà du conflit de frontière et d'occupation strictement territoriale qui oppose le Maroc et la RASD, le Sahara occidental reste sous les feux des projecteurs médiatiques à cause de la situation de vint-quatre prisonniers sahraouis, jugés pour avoir participé au camp de Gdeim Izik. En 2010, un camp de fortune est dressé par des sahraouis, qui protestent pacifiquement contre leurs conditions de vie. Les tensions étant déjà vives, la mort d'un adolescent, tué par la gendarmerie marocaine, met le feu au poudre et déclenche de violentes émeutes à l'est de Laâyoune, dans le Sahara occidental. Les forces de l'ordre marocaines démantèlent le camp de protestation et procèdent à l'arrestation de dizaines de militants, accusés notamment de violences volontaires, et d'appartenance à une organisation criminelle. Le jugement des vint-quatre accusés, par un tribunal militaire, en 2013 suscite de vives critiques de la part de la communauté internationale, devant le manquement du procès aux droits des condamnés face à la justice. Le procès en appel des condamnés s'est ouvert de nouveau fin décembre, mais devant un tribunal civil. Des défenseurs des droits de l'Homme se sont rassemblés pour former un collectif en soutien aux détenus.
Là encore, l'influence de l'Union européenne joue : en octobre 2016, des parlementaires font appel à Mogherini, pour faire pression sur la libération des militants. Dans la lettre ouverte adressée à la Haute représentante de l'Union européenne, ces parlementaires écrivent : "Nous, en tant que membres du Parlement européen (...), nous demandons votre intervention pour veiller à ce que toutes les accusations portées à l'encontre du groupe (Gdeim Izik) soient levées et leur procès militaire annulé, mettant fin à leur détention illégale". Ces parlementaires demandaient notamment que soient autorisés sur place des observateurs internationaux et que soit fermement appliqué le droit international.

Les tensions entre le Maroc et le Sahara occidental sont loin d'être apaisées, et l'Union européenne y joue un rôle malgré elle.


Sources

- New Europe, "EU takes stance on Morocco’s claim over Western Sahara" : https://www.neweurope.eu/article/eu-takes-stance-moroccos-claim-western-sahara/

- Communiqué de presse de la CJUE:http://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-12/cp160146fr.pdf

- Le Monde, "Le Front Polisario parvient à faire annuler l’accord agricole entre le Maroc et l’UE" :http://www.lemonde.fr/afrique/article/2015/12/10/le-front-polisario-parvient-a-faire-annuler-l-accord-agricole-entre-le-maroc-et-l-ue_4829326_3212.html

- Médiapart, "La justice de l’UE rappelle le droit à l’autodétermination du Sahara occidental' : https://www.mediapart.fr/journal/international/251216/la-justice-de-l-ue-rappelle-le-droit-l-autodetermination-du-sahara-occidental?onglet=full

- L'Action des Chrétiens contre l'Abolition de la Torture, "43 AVOCATS INTERNATIONAUX EN SOUTIEN AUX MILITANTS SAHRAOUIS DE GDEIM IZIK" : https://www.acatfrance.fr/actualite/declaration-publique-du-collectif-international-davocats-en-soutien-aux-prisonniers-politiques-de-gdeim-izik

- Algérie Presse Service, "Mogherini appelée à faire pression sur le Maroc pour libérer les prisonniers sahraouis de Gdeim Izik : http://www.aps.dz/monde/47446-mogherini-appel%C3%A9e-%C3%A0-faire-pression-sur-le-maroc-pour-lib%C3%A9rer-les-prisonniers-sahraouis-de-gdeim-izik