Theresa May dans la tourmente
Le lundi 10 décembre 2018, la première ministre Theresa May a annoncé aux députés de la House of Commons que le vote final du Brexit serait reporté. Selon May, cette décision a été prise afin de se rendre à Bruxelles et de profiter du Conseil européen des 13 et 14 décembre dans le but de renégocier les conditions de l’accord sur le Brexit. Le principal point de discorde de l’accord de novembre est la question du « filet de sécurité » (Backstop), à la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande qui permettrait de maintenir le Royaume-Uni dans une union douanière avec l’Union Européenne. Les députés britanniques souhaitent que l’Union Européenne apporte des garanties supplémentaires pour prouver que cette clause n’est pas un piège qui rattacherait pour toujours le Royaume-Uni à cette dernière.
Dans un contexte où la population du Royaume-Uni est fortement divisée entre les pro et les antis Brexit, il en est de même au sein du gouvernement et des institutions politiques britanniques qui ne parviennent pas à se mettre d’accord et se déchirent autour de cette question. Theresa May est même désavouée par sa propre famille politique et sa majorité au Parlement. En effet, une centaine de députés conservateurs ont publiquement affiché son hostilité envers l’accord négocié par Theresa May avec les 27 autres états membres de l’Union Européenne. Cet accord est jugé « destructeur » pour le Royaume-Uni par les députés de l’opposition et les députés conservateurs frondeurs.
Ce report du vote final a donc été perçu comme une défaite pour la première ministre britannique et il était même question de sa survie politique et de sa crédibilité. Le mercredi 12 décembre, Theresa May a été visée par un vote de défiance de la part des frondeurs de son camp politique et l’a remporté. 200 députés conservateurs contre 117 se sont exprimés en faveur de son maintien à la tête du Royaume-Uni et lui ont renouvelé leur confiance. Elle ne pourra donc plus subir ce genre de vote pendant 12 mois, en vertu de la loi britannique. Toutefois, elle reste sous la menace d’une motion de censure qui pourrait être déposée par les députés travaillistes de l’opposition.
Bruxelles refuse toutes autres négociations
A la suite du report du vote final, Theresa May a donc multiplié les entretiens avec ses homologues européens afin d’obtenir des garanties et des concessions sur l’accord du Brexit, avant le Conseil européen des 13 et 14 décembre.
Néanmoins, l’Union Européenne commence à se montrer agacée par ces tentatives et a d’ores et déjà annoncé qu’elle refuse toute nouvelle négociation de l’accord pour le Brexit. En effet, la Commission européenne ainsi que le président du Conseil européen Donald Tusk ont fait savoir qu’une renégociation de l’accord du Brexit n’aurait pas lieu, y compris concernant le « filet de sécurité ». Pour Mina Andreeva, la porte-parole adjointe de la Commission, l'accord conclu fin novembre est "le meilleur qui soit et le seul possible".
Theresa May qui a pourtant assuré à ses homologues lors du Conseil européen qu'elle pourrait obtenir le feu vert de son Parlement en cas de nouvelles garanties de la part de l'Union européenne, n’a obtenu aucune concession ni renégociation de l’accord à l’issue du sommet. Les 27 ont simplement tenu à repréciser que le « filet de sécurité » était seulement temporaire.
Vers un no-deal Brexit ?
Avec le report du vote final du Brexit peu avant la période de trêve politique des fêtes de fin d’année, il reste donc très peu de temps au Royaume-Uni pour sortir de l’impasse et voter un accord au plus tard le 21 janvier prochain. Theresa May s’est pourtant montrée positive au terme du dernier Conseil européen car pour elle, des discussions sont encore possibles. Pourtant, du côté de l’Union Européenne, on se prépare très sérieusement à un no-deal Brexit. Jean-Claude Juncker a annoncé que les 27 vont accélérer les préparatifs en vue de cette éventualité. La Commission va en effet publier le 19 décembre des documents préparant au mieux ce scénario qui parait « de plus en plus possible », comme l’a affirmé Nathalie Loiseau, la ministre française des affaires européennes. Selon les observateurs européens, un rejet de l’accord, s’il reste inchangé, par les députés britanniques reste la possibilité la plus crédible et dans ce cas-là, l’incertitude quant à la suite des évènements serait la plus totale. Toutefois, jugée fantaisiste il y a encore quelques mois, la possibilité d’un nouveau référendum parait de plus en plus envisageable et il semble aujourd’hui que Theresa May n’ait d’autre choix que d’y avoir recours.
Sources
-Revue de presse Toute l’Europe : https://www.touteleurope.eu/revue-de-presse/revue-de-presse-brexit-le-vote-a-westminster-est-reporte-theresa-may-retourne-a-bruxelles.html
-Article du Monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2018/12/10/brexit-le-vote-du-parlement-britannique-reporte-theresa-may-veut-renegocier-l-accord-avec-l-ue_5395390_3210.html
-Article de The Guardian : https://www.theguardian.com/politics/2018/dec/10/theresa-may-postpones-brexit-deal-meaningful-vote-eu
-Article d’Euractiv : https://www.euractiv.com/section/uk-europe/news/warm-words-but-no-brexit-concessions-as-may-leaves-brussels-empty-handed/
-Article de France 24 : https://www.france24.com/fr/20181214-brexit-ue-agace-nouvelles-demandes-londres-theresa-may-backstop
-Article de New Europe : https://www.neweurope.eu/article/eu-prepares-for-no-deal-brexit-with-answers-lacking-hardens-stance-against-uk/