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Retardée depuis des années, la mise en service du gazoduc Nord Stream 2 se fera « avant la fin 2020 », a déclaré le ministre russe de l’Energie Alexandre Novak, le 27 Décembre 2019. Le 24 Avril 2017, Gazprom, principale compagnie gazière russe, et cinq autres compagnies gazières européennes, dont Engie, signèrent l’accord financier à Paris pour financer ce projet d'une dizaine de milliards d’euros. 50% du projet est financé par l’entreprise russe. Sept ans après la mise en service du premier gazoduc Nord Stream 1, ces nouvelles infrastructures, longues de 1200km, relieront les villes de Ust-Luga en Russie à Greifswald en Allemagne, et permettront de doubler la capacité du premier gazoduc. En franchissant les eaux de la Russie, de la Finlande, de la Suède, du Danemark et de l’Allemagne, les deux pipelines livreront 55 milliards de m3 de gaz par an, soit la moitié de la consommation de gaz de la population allemande. Ainsi, ce gazoduc sera une alternative aux 18% de consommation annuelle de gaz de l’Union européenne provenant de la Russie via l’Ukraine.

L’entreprise de ce projet a cependant suscité de nombreuses oppositions.

Tout d’abord, la construction de ce nouveau gazoduc a beaucoup inquiété les pays baltes, la Pologne, et surtout l’Ukraine, où les tensions entre les deux pays se sont accrues ces dernières années. Pour ces pays, ce nouvel équipement augmenterait la dépendance de l’Union européenne au gaz russe, et donc l’influence politique russe en Europe. Pour l’Ukraine, cette nouvelle route représenterait une perte considérable de revenus. Néanmoins, un accord a été trouvé entre l’entreprise Gazprom et son homologue ukrainien Naftogaz le 30 Décembre 2019, afin de réguler le transit du gaz russe en Ukraine à partir de 2020. Cet accord éviterait de trop importantes pertes de revenus pour Kiev, la capitale étant de plus impactée par la construction du gazoduc entre la Russie et la Turquie, Turkstream.

C’est également au sein même des pays porteurs du projet que l’on retrouve des résistances. Construit à 80% en 2019, le développement du gazoduc dans la partie danoise a de nombreuses fois été repoussé. Le projet n’a obtenu l’aval du Danemark que le 30 Octobre 2019 pour poursuivre la construction dans ses eaux, au sud de l’île de Bornholm. Pour le Premier ministre danois Lars Lokke Rasmussen, « l’implication politique » de la construction d’un tel projet se devait d’être analysé plus en profondeur, et discuté à Bruxelles, avant toute adoption. D’autant plus que les relations entre le Danemark et la Russie sont au plus bas depuis plusieurs années.

Cette « implication politique », c’est prendre parti contre les Etats-Unis, et donc risquer de se mettre à dos le gouvernement américain. En pleine guerre géopolitique avec la Russie, doublée d’une guerre commerciale, ce nouvel acheminement de gaz représenterait une perte de marché potentiel pour les Etats-Unis, qui cherchaient, au sein du marché européen, à accroître ses exportations de gaz naturel liquéfié. Washington n’a pas hésité à faire usage de la pression pour dissuader partenaires et gouvernements concernés par le programme. Le 20 Décembre 2019 signait le président américain la loi imposant des sanctions contre le gazoduc. Au lendemain de cette ratification, l’Union européenne, et notamment l’Allemagne, avec la Russie, ont élevé leur voix contre ces mesures. Le comportement américain a été qualifié « d’ingérence dans nos affaires intérieures » par la porte-parole d’Angela Merkel.

Ces sanctions s’avèrent être un nouveau frein à la finalisation du gazoduc. L’entreprise suisse Allseas, engagée par Gazprom pour la pose de pipelines, a annoncé sa suspension quant à la participation aux travaux d’installation, en attendant des « clarifications » de la part des autorités américaines. Enfin, le gel des avoirs et la révocation des visas américains pour les entrepreneurs liés à la construction du gazoduc viennent freiner la bonne continuation des travaux.

Néanmoins, si elles peuvent ralentir le déroulement des travaux, ces sanctions ne devraient pas arrêter le projet, puisqu’elles interviennent tardivement, les travaux étant quasiment terminés. D’autant plus que Gazprom a déjà prévu d’assurer le relais des entreprises touchées par les sanctions.

Sources :

« L’Ukraine et la Russie finalisent leur accord sur le transit du gaz ». Le Monde.fr, 31 décembre 2019, consulté le 02/01/2020

« Nord Stream 2 : le Danemark autorise la construction du gazoduc qui doit relier l’Allemagne et la Russie ». Le Monde.fr, 30 octobre 2019, consulté le 02/01/2020

Les Echos. « Nord Stream 2 : le projet devrait aller à son terme malgré les sanctions américaines », 22 décembre 2019, consulté le 02/01/2020

« Nord Stream 2 : Trump signe la loi imposant des sanctions contre le gazoduc qui doit relier la Russie et l’Allemagne ». Le Monde.fr, 21 décembre 2019, consulté le 02/01/2020

« Ostseepipeline: Russland will Nord Stream 2 bis Ende 2020 fertigstellen ». Spiegel Online, 27 décembre 2019, sect. Wirtschaft, consulté le 02/01/2020

« Qu’est-ce que Nord Stream 2, le gazoduc qui divise l’Europe, la Russie et les Etats-Unis ? - Capital.fr », 21 Décembre 2019, consulté le 02/01/2020