Le 8 mars 2022, la Commission européenne a proposé une directive afin d’harmoniser les sanctions contre les violences faites aux femmes à échelle européenne, une décision grandement saluée par la plupart des pays de l’Union. Cependant, un an et demi plus tard, une ligne de fracture persiste concernant la définition du viol.

En effet, bien que les chiffres soient des plus inquiétants, certains pays européens ne souhaitent pas s’accorder sur une définition commune. Aujourd’hui plus de 100 000 personnes par an sont violées au sein de l’Union européenne - et il ne s'agit là que des chiffres déclarés : combien sont passés sous silence ? Alors que la directive européenne vise à définir certaines formes graves de violence (le viol, les mutilations génitales féminines, le cyberharcèlement, le partage non consenti d’images intimes...) et à harmoniser les sanctions, certains pays tels que la France, la Pologne, la Hongrie, la Suède et les Pays-bas, ont décidé de retirer du texte les points prévoyant une définition commune du viol. Ces États souhaitent conserver une définition nationale, sans participer à l'avancée sociale urgente et nécessaire que constituerait la mise en place d'une définition éclairée.

Il est pourtant essentiel de s’accorder sur une définition commune. Cela permettra de mettre ces crimes en lumière, de ne plus laisser les victimes dans le désarroi et de pouvoir leur affirmer : oui, cela est un viol, cela est un crime, nous te soutenons, nous te défendons, nous te protégeons. En outre, le propre de la définition est de clarifier l'esprit et les choses : le viol n'est pas l'apanage de louches inconnus au détour de sombres ruelles désertes, contrairement au stéréotype. Un sondage réalisé par Amnesty International et SOS viol en 2019 tentent de déconstruire ces différents stéréotypes présents dans notre société. Amnesty international souligne que “le viol conjugal, l’inceste ou encore le viol commis par un responsable hiérarchique au sein du travail sont en effet répandus dans des proportions alarmantes et le “mythe de l’inconnu” invisibilise cette réalité.”  Ainsi, s'accorder sur une définition commune claire permettra de faire tomber la "culture du viol" définie comme “un système de pensée permettant d’expliquer, d’excuser voire d’encourager le viol”. Il est temps de faire disparaître la culpabilité des victimes, le déni de la réalité des violences sexuelles, l’impunité des auteurs, etc. Le problème actuel rencontré par les Etats membre de l'Union Européenne est symptomatique de ce que toutes nos sociétés pensent du viol : certains définissent le viol comme une absence de consentement, là où d'autres pensent encore que le viol implique l'usage de la force physique. A ces derniers, nous demandons : l'usage de drogues, l'usage de la manipulation psychologique, l'usage de l'insistance ne sont-ils pas des viols ? Un "oui" arraché après cinq "non" n'est pas et ne sera jamais un consentement éclairé, comme le martèlent les slogans ô combien formateurs "Si c’est pas oui, c’est non” ou encore “non = non, peut-être = non, le silence = non, je ne sais pas = non, oui = oui".

Nous aimerions ne plus avoir peur, ne plus avoir à manifester. Nous aimerions pouvoir vivre mais comment faire quand nous lisons dans les médias : “elle aurait joué avec le feu”, “elle aurait donné de mauvais signaux”, “”la durée relativement courte du viol devait peser pour établir la peine”. Les victimes sont victimes ! Comment faire quand toutes les 6 minutes une femmes est violée en France ? Six minutes...peut-être le temps pour vous de lire cet article, entre temps, un homme a brisé la vie d'une femme : votre mère, votre sœur, votre fille... Pour elles, pour chaque femme, pour chaque personne, nous nous devons d'être l'Union Européenne éclairée et solidaire, celle qui soutient chaque individu dans son intégrité physique et morale, celle qui ne laisse pas les crimes impunis, celle qui protège et qui répare. Plus qu'une affaire de définition, il est affaire d'humanité.

Sources :

Colin-Oesterlé, Nathalie, et François-Xavier Bellamy. « « La France ne doit pas exclure le viol de la loi européenne visant à lutter contre les violences faites aux femmes » ». Le Monde.fr, 5 octobre 2023. Le Monde, https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/10/05/la-france-ne-doit-pas-exclure-le-viol-de-la-loi-europeenne-visant-a-lutter-contre-les-violences-faites-aux-femmes_6192599_3232.html.

« Déconstruire les mythes et stéréotypes sur le viol ». Amnesty International Belgique, 4 mars 2020, https://www.amnesty.be/campagne/droits-femmes/viol/article/deconstruire-mythes-stereotypes-viol.

Legifrance. "Code pénal, Articles 222-23 à 222-26-2." Legifrance, 16 décembre 2023, https://www.legifrance.gouv.fr/codes/id/LEGIARTI000043409305/2023-12-16/#LEGIARTI000043409305.

Le Parisien. « Un viol « court » mérite une peine « plus courte », selon le Tribunal fédéral suisse ». leparisien.fr, 27 novembre 2023, https://www.leparisien.fr/faits-divers/un-viol-court-merite-une-peine-plus-courte-selon-le-tribunal-federal-suisse-27-11-2023-J3KJYQZE6REUZNMDGOUW27LDGY.php.

« Violences faites aux femmes : les pays de l’Union européenne divisés sur la définition du viol ». Franceinfo, 25 novembre 2023, https://www.francetvinfo.fr/societe/violences-faites-aux-femmes/violences-faites-aux-femmes-les-pays-de-l-union-europeenne-divises-sur-la-definition-du-viol_6206010.html.

Viols et agressions sexuelles en Europe − Sécurité et société | Insee. 09 2021, https://www.insee.fr/fr/statistiques/5763615?sommaire=5763633#graphique-figure1.

Wernaers, Camille. « Vers une définition commune du viol en Europe ? » RTBF, RTBF, 11 octobre 2023, https://www.rtbf.be/article/vers-une-definition-commune-du-viol-en-europe-11270199.