L’affaire éclate le 9 décembre 2022 quand des perquisitions à Bruxelles, notamment au domicile de Mme Eva Kaili, vice-présidente grecque du Parlement européen, mènent à l’interception d’1,5 million d’euros en liquide et à l’arrestation d’une demi-douzaine de suspects. Il est alors question de corruption présumée de la part du Qatar soupçonné d’« influencer les décisions économiques et politiques » du parlement de l’UE, alors que se déroule dans ce pays le Mondial de football sur fond de controverse sur les droits des travailleurs et les décès en lien avec la construction des stades. Le Maroc est également soupçonné de telles pratiques. Depuis un an, sept personnes ont été « formellement inculpées », selon le parquet fédéral de Belgique, dont deux autres eurodéputés en plus de Mme Kaili, à savoir l’Italien Andrea Cozzolino et le Belge Marc Tarabella.
Un scandale qui soulève la question de la régulation du lobbying
Dans ce contexte, la régulation des activités de lobbying des pays tiers et des ONG auprès des eurodéputés et des assistants parlementaires pour influencer les prises de position du Parlement européen est devenue un sujet majeur à quelques mois des prochaines élections européennes. Car le « Qatargate » a donné à voir la politique de l’influence qui se déploie à la périphérie de la démocratie européenne et les difficultés voire les réticences des institutions européennes à y faire face.
Le Parlement européen revoit son règlement intérieur pour plus de transparence
En février 2023, la présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, a présenté un ensemble de règles visant à améliorer la transparence et l’intégrité du Parlement européen à la suite du scandale, approuvé par les eurodéputés en septembre. Le règlement intérieur de l’institution a donc évolué à partir du 1er novembre 2023.
La réforme prévoit de nouvelles obligations pour les eurodéputés, comme celle de déclarer les potentiels conflits d’intérêts pour les présidents, vice-présidents et rapporteurs (responsables des négociations sur un dossier), ou celle de fournir une déclaration de patrimoine à la fin de leur mandat. Celle-ci n’était obligatoire qu’en début de mandat.
Les eurodéputés devront également publier en ligne tous leurs rendez-vous, ainsi que ceux de leurs assistants, liés au travail parlementaire. Il ne sera donc plus question de rencontrer des lobbyistes ou des représentants de pays tiers sans qu’il subsiste une trace écrite. Une seule exception est prévue : quand « l’intégrité physique » ou « la liberté d’une personne » sont en jeu.
Les activités des eurodéputés rémunérées en plus de leur mandat devront aussi être déclarées si les bénéfices qui en découlent dépassent la barre des 5 000 € par an. Les élus devront indiquer, et c’est là la grande nouveauté, l’identité de l’employeur, le domaine et la nature du travail effectué.
Des risques de conflits d’intérêts persistent néanmoins
Des eurodéputés plaidaient pour des mesures plus strictes encore mais n’ont pas eu gain de cause comme sur l’interdiction de tous les revenus annexes qui n’a pas été adoptée. Par ailleurs, un amendement proposait d’interdire tous les voyages offerts par les entreprises et les gouvernements de pays tiers, mais il n’a pas obtenu de majorité.
Enfin, le fonctionnement de l’organe interne du Parlement chargé de veiller au bon respect des règles n’est pas modifié en profondeur : l’idée circulait de désigner des experts externes à l’institution pour épauler les cinq eurodéputés (et désormais huit députés) qui siègent au sein de ce comité consultatif sur la conduite des députés mais ce point n’a pas été voté en plénière.
Il n’est pas certain que cela suffise à redorer l’image de l’institution à quelques mois des prochaines élections européennes.