L’Union européenne a très tôt pris position contre le régime de Bachar al-Assad, en particulier lors des exactions commises par le pouvoir à la suite de manifestations pacifiques de 2011 qui entraineront une guerre civile. Ce soutien s’est traduit par la mise en place d’une stratégie régionale de l’union pour les réfugiés de Syrie et d’Iran lors de la crise migratoire de 2015 qui a entrainé le déplacement de près de 12 millions de personnes. L’Union européenne a enregistré plus d’un million de demande d’asiles en 2015 (eurostat). Cet élan de solidarité, incarné par l’ancienne chancelière allemande Angela Merkel et son célèbre « Wir schaffen das » (« Nous y arriverons »), semble pourtant s’être essoufflé, alors que les flux migratoires vers l’Europe se poursuivent notamment depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. L’Allemagne, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, est devenue le troisième pays au monde à accueillir des réfugiés syriens et le premier au sein de l’Union européenne (un million d’accueil).
Ce changement de dynamique s’est illustré dans les réactions des pays européens à l’annonce de la chute de Bachar al-Assad. Dès le lendemain, plusieurs Etats dont l’Allemagne a déclaré par voies officielles ou non vouloir suspendre l’examen des demandes d’asile des réfugiés syriens. De nombreuses ONG s’insurgent comme le président de Médecins du monde qui a déclaré que l’arrêt des procédures d’accueil des Syriens était « totalement indécent ». Le pays pourtant en première ligne en 2015 est un bon exemple des effets de l’immigration dans la politique interne d’un pays européen, l’Allemagne fait notamment face, tout comme de nombreux pays européens, à une montée des partis extrémistes dans les sondages. En Allemagne, nous avons d’un côté Andrea Lindhloz, figure conservatrice allemande estime qu’« une fois qu’il y aura une paix durable en Syrie, de nombreux Syriens n’auront plus besoin de protection et n’auront donc plus le droit de rester en Allemagne ». De l’autre, le ministre de l’Intérieur défend une approche plus prudente, soulignant que la situation en Syrie reste instable et que des décisions hâtives pourraient compromettre la sécurité et les droits des réfugiés.
Une nouvelle politique migratoire pour une Europe en proie aux extrêmes. En 2023, l’UE comptait 27,3 millions de citoyens non européens soit 6% de sa population totale. Ce faible chiffre contraste avec la politique qui est mise en place par l’exécutif européen à propos des migrants. Un élément clé de cette nouvelle orientation est le Pacte sur la migration et l’asile (2020). Ce pacte vise à réformer la gestion des flux migratoire en accélérant la reconduction des personnes en situation irrégulière et une meilleure répartition des demandes d’asiles entre les Etats membres. La politique migratoire européenne repose, comme en 2015, sur des collaborations transfrontalières avec les pays voisins. Parmi les mesures phares envisagées figure la création de « centres de retour », vers lesquels pourraient être incarcéré des migrants souhaitant entrer dans l’Union ou ceux dont l’asile aurait été refusé. Ce pacte vise à pallier les lacunes des politiques actuelles, notamment celles du règlement Dublin III (2013), qui oblige les réfugiés à déposer leur demande dans le pays d’entrée dans l’Union. Cette disposition faisait peser l’essentiel de la pression migratoire sur des pays comme Malte, l’Italie, la Grèce ou l’Espagne aux portes de l’Europe. Les nouvelles dispositions cherchent également à instaurer une répartition plus équitable des responsabilités entre les pays membres et à renforcer la capacité de réponse face à des flux migratoires massifs. Toutefois, cette approche illustre également une certaine insensibilité croissante parmi les dirigeants européens, particulièrement dans les États où la question migratoire est un enjeu politique profondément clivant. Alors que les extrêmes gagnent du terrain, la politique migratoire de l’Union devient un champ de bataille, reflétant les divisions internes d’une Europe en quête d’équilibre entre solidarité et contrôle.
L’incertitude quant à la situation en Syrie empêche pour l’instant toute normalisation diplomatique avec l’Union européenne, qui considère encore HTC comme un groupe terroriste. Si les réfugiés syriens présent dans les pays voisins commencent à regagner leurs terres, la diaspora reste prudente, en attendant la stabilisation d’un pays fragmenté. Ahmed Al-Charaa, le dirigeant du groupe HTC peut être considéré comme l’homme fort du pays mais pas son dirigeant. En effet plusieurs forces revendiquent le pouvoir de cet Etat faillis depuis longtemps. Dans ce contexte, la question migratoire syrienne, bien que placée au premier plan par l’Europe, pourrait bientôt être accompagné par une crise politique qui se profile.
Sources:
Marion Gaillard, « Union européenne : la ‘crise migratoire’ de 2015 », Vie publique, 11/11/2018 Eurostat, Data browser « Demandeurs d’asile par type, nationalité, âge et sexe- données annuelles agrégées » en ligne, 02/10/2024 consulté le 29/12/24 Thomas Wieder, « Accueil des réfugiés : Angela Merkel renonce à son fameux « Nous y arriverons », Le Monde, 18/09/2016 Courrier international, « Vue d’Israël. Pour le chef de HTC, chasser Bachar El-Assad ‘était la partie facile’ », 23/12/2024 Jean-Philippe LIABOT, « Syrie : l’ère post-Bachar al-Assad se met en place », Euronews, 09/12/2024 Vincent Lequeux, « Asile et migrations dans l’Union européenne », Toute l’europe, 11/04/2024 Nicoletta IONTA, « Pas d’expulsions immédiates de migrants vers la Syrie, selon le commissaire à la Migration », Euractiv, 13/12/2024 Nick ALIPOUR, « Après la chute de Bachar al-Assad, l’Allemagne craint une campagne électorale anti-réfugiés », Euractiv, 09/12/2024 Florian CHAABAN, « Les dirigeants européens saluent la chute de Bachar al-Assad en Syrie, mais restent attentifs à ses conséquences », Euractiv, 09/12/2024 Courrier international, « Immigration. Chute d’Assad : quatre pays européens suspendent les demandes d’asile des Syriens », 09/12/2024 Nicholas Wallace, « Les Vingt-Sept vont débattre d’une « mise en œuvre accélérée », du pacte migratoire de l’UE », Euractiv, 14/10/2024