Vendredi 6 décembre, Ursula von der Leyen a annoncé avoir finalisé l'accord de libre-échange avec le Mercosur , des négociations qui duraient depuis des années. Si l'Union européenne désire tant cet accord de libre-échange, certains pays européens, dont la France en tête, y sont résolument opposés. Mais de quels moyens dispose la France dans ce combat ?

L'accord de libre-échange prévoit l'importation de produits alimentaires et agricoles, comme de la volaille (180 000 tonnes), du bœuf (99 000 tonnes) et de l'éthanol (450 000 tonnes). En échange, l'UE exporterait des voitures, du matériel électrique et même des produits issus de l'agriculture comme du vin ou des produits à indication géographique protégée. Au total, 91 % des droits de douane européens seraient supprimés sur les produits exportés vers le Mercosur contre 92 % pour les produits importés. La France, ainsi que d'autres pays européens comme la Pologne et les Pays-Bas, s'y opposent, tandis que l'Irlande et la Belgique se montrent très réticentes. À Paris, certains dénoncent un sacrifice de l'agriculture française au profit de l'industrie allemande. Ce qui risque d'être un poids pour les agriculteurs, ce n'est pas tant le faible tonnage d'exportation que les normes européennes, qui pourraient ne pas être équivalentes à celles imposées aux agriculteurs européens. Même un rapport de la Commission estime qu'il sera compliqué pour le Brésil de garantir ces normes, notamment en raison des hormones stéroïdiennes interdites.

En l'état, l'accord a été finalisé par Madame von der Leyen, mais il n'entre pas encore en vigueur. Pour qu'un accord de libre-échange comme celui-ci soit signé, il doit être ratifié par le Parlement européen et par le Conseil de l'Union européenne. Au Parlement, où le vote se fait à la majorité simple (50 % des voix plus une), les prévisions donnent vainqueur le camp von der Leyen. Mais au Conseil, celui-ci pourrait rencontrer davantage de difficultés. Il devra être voté à la majorité qualifiée, ce qui signifie que le vote des États doit représenter plus de 55 % des États membres (15) et plus de 65 % de la population européenne (292 millions). Entre la France, l'Autriche, les Pays-Bas, la Pologne, l'Italie, la Belgique et l'Irlande, le traité pourrait être refusé par le Conseil de l'Union. Les traités de libre-échange doivent également être approuvés par les Parlements nationaux, à l'unanimité.

Ainsi, ce traité, bien que soutenu en grande partie par l'Allemagne et l'Espagne, pourrait n'entrer en vigueur que dans quelques années.

Néanmoins, en plus des crises et luttes intestines révélées au grand jour, le traité du Mercosur a mis en lumière un agacement ressenti par nombre de chefs d’État à l'égard de Madame von der Leyen. En effet, alors que le Président Emmanuel Macron avait publiquement désavoué ce traité, le qualifiant d'"inacceptable en l'état" et s’annonçant même prêt à "défendre sans relâche notre souveraineté agricole", d'autres pays partagent l'avis selon lequel la présidente de la Commission s'arroge plus de pouvoirs qu'elle n'en a réellement et souhaite forcer les États contre leur volonté. Au début de l'année, elle s'était également opposée à Berlin en taxant les véhicules électriques chinois. La présidence d'Antonio Costa à la tête du Conseil européen est perçue comme une chance d'apaiser les tensions entre les gouvernements nationaux et la Commission européenne, plus particulièrement dans le cadre du Mercosur.