Une ligne politique claire et déterminée…

En à peine un mois de mandat, Madame Mogherini s’est positionnée de manière tranchée et forte sur plusieurs sujets sensibles. Son annonce de vouloir la création d’un Etat de Palestine¹ d’ici à la fin de son mandat dans cinq ans a remué les parlements des pays membres. Cette question de la reconnaissance d’un Etat palestinien, en sommeil depuis plusieurs années faute de pression médiatique, a fait les gros titres pendant plusieurs jours et a suscité de vifs débats parlementaires entre les politiques de différents bords en Europe. En visite en Turquie, elle n’hésite pas à se rendre dans un camp de réfugiés syriens² sous le nez d’un Recep Tayyip Erdoğan mécontent, qui se voit en plus reprocher son manque de réactivité dans le conflit syrien et à l’égard des terroristes de l’Etat Islamique et surtout son soutient à Vladimir Poutine dans la crise ukrainienne. A propos des Russes justement, et contrairement à leurs espérances lors de sa nomination, Federica Mogherini n’a pas allégé les sanctions économiques prises à leur encontre. Néanmoins, la récente dégringolade du rouble pourrait inciter les Européens à moins de sévérité, d’autant que beaucoup possèdent des enjeux économiques sur le marché russe.

… affirmée par une présence médiatique forte

En outre, sa présence dans l’espace médiatique est très appréciée. On peut être en désaccord avec sa ligne politique ou ne pas aimer le personnage, il faut reconnaître qu’elle est beaucoup plus présente dans la presse que ne l’a jamais été son prédécesseur, Catherine Ashton. Effectivement, elle se rend disponible pour les médias, alimente ses réseaux sociaux en informations variées³ et produit de nombreuses déclarations pour le service diplomatique. De plus, rappelons que sa première action en tant que Haut Représentant fut de donner une interview exclusive à six grands quotidiens européens. Bouleversement pour des journalistes qui, jusqu’alors, avaient de sérieuses difficultés à obtenir quelques mots de Madame Ashton. De même, elle assiste à toutes les réunions des conseils des ministres, contrairement à Catherine Ashton, et ne néglige aucun domaine : défense, diplomatie, développement, etc.

Une « novice » qui renverse les codes : le temps du renouveau

Certes, elle est loin de faire l’unanimité, même au sein des institutions européennes. D’ailleurs, sa prise d’initiative embarrasse certains Etats, notamment l’Allemagne sur la question de la reconnaissance de la Palestine. Beaucoup de ses détracteurs disent encore qu’elle n’a ni l’expérience internationale nécessaire pour maîtriser les grands enjeux mondiaux actuels, ni « aucune expérience des institutions complexes de l’Union »⁴ (puisque c’est sont tout premier poste à Bruxelles), ni la carrure suffisante pour pouvoir assumer les responsabilités d’une telle fonction. Elle détonne entre autres par « sa volonté de changer les méthodes de travail », qui « même si elle parait un détail organisationnel, n’est pas superflue »⁵. Libérée de la position italienne qui ne cherche pas de leadership européen, tant au niveau diplomatique qu’au niveau géopolitique, Federica Mogherini se permet d’oser ce que beaucoup n’auraient jamais eu le cran de proposer. Si elle bouscule les codes, établis par une Catherine Ashton très conformiste, il ne faut pas oublier que ce poste de Haut Représentant reste relativement récent et qu’elle part de zéro, tout comme la plupart de ses collègues commissaires en matière de représentation et surtout de communication. Pourtant, à l’heure actuelle, et malgré des semaines extrêmement chargées, Federica Mogherini semble faire un sans faute et réussi à porter pleinement le poids de ses fonctions en réalisant un travail largement reconnu comme satisfaisant. Le plus gros défi de son mandat sera de parvenir à faire parler les vingt-huit d’une seule et même voix sur la scène internationale, et c’est loin d’être un pari facile au regard du contexte diplomatique actuel extrêmement tendu en Europe. Reste à savoir si elle va réussir à convaincre, non seulement tous les politiques et responsables européens, les dirigeants internationaux auxquels elle sera confrontée, et surtout, nous, citoyens d’une Europe en proie au doute et en manque de visibilité au niveau diplomatique aux yeux du reste du monde.


Sources :

¹ http://www.jpost.com/Arab-Israeli-Conflict/New-EU-foreign-policy-chief-Id-like-to-see-a-Palestinian-state-by-the-time-I-leave-office-380731

² http://eeas.europa.eu/top_stories/2014/091214_hrvp-federica-mogherini_turkey_fr.htm

³ https://www.facebook.com/f.mogherini

⁴ http://www.voxeurop.eu/fr/content/news-brief/4820116-pas-de-pouvoir-pas-d-ambition

⁵ http://www.bruxelles2.eu/2014/12/14/la-diplomatie-europeenne-retrouve-un-chef-dorchestre/

http://www.euractiv.com/sections/global-europe/eu-puts-hopes-mogherinis-personal-diplomacy-310806

http://www.lesechos.fr/monde/europe/0203941064824-diplomatie-europeennemogherini-simpose-1064760.php

http://www.bruxelles2.eu/2014/11/04/les-premiers-pas-de-miss-mogherini-son-mot-dordre-be-creative/

http://carnegieeurope.eu/strategiceurope/?fa=57248

http://www.dailymail.co.uk/wires/reuters/article-2873480/EUs-Russia-debate-challenge-diplomat-Mogherini.html

http://www.jpost.com/Arab-Israeli-Conflict/New-EU-foreign-policy-chief-Id-like-to-see-a-Palestinian-state-by-the-time-I-leave-office-380731