Le 21 décembre 2015, l'Union européenne, par l’intermédiaire d'un communiqué de presse de la commission européenne, annonce qu'elle donnera une aide de 40 millions d'euros en faveur de la population syrienne. Le même jour, elle octroie une rallonge de 20 millions d'euros à l'aide humanitaire pour le Soudan du sud ainsi qu'une aide de 70 millions d'euros pour les réformes dans les secteurs socio-économiques et touristiques de la Tunisie. Le 22 décembre 2015, elle fournit une aide humanitaire de 12 millions d'euros à l'Afghanistan. Enfin, le 23 décembre 2015, une aide européenne de 6,6 est envoyé pour aider la population libyenne.
Quelle légitimité l'Union européenne a-t-elle donc pour intervenir ainsi ? En agissant ainsi, ne viole-t-elle pas le principe de non-ingérence posé par l'article 2, paragraphe 7 de la Charte des Nations Unies de 1945 ? A première vu, il est possible de le croire. Cependant, l'Union européenne agit selon le principe de la responsabilité de protéger. Cette responsabilité a été adoptée en 2005 par l'Assemblée Générale des Nations Unies. Elle repose sur trois piliers : Il appartient à chaque Etat de protéger ses populations du génocide, des crimes de guerre, du nettoyage ethnique et des crimes contre l’humanité(pilier 1) ; La communauté internationale doit, si nécessaire,encourager et aider les Etats à s’acquitter de cette responsabilité(pilier 2) ; A titre subsidiaire, une action coercitive peut être menée par l’entremise du Conseil de sécurité, conformément à la Charte des Nations Unies, et notamment son Chapitre VII, au cas par cas et en coopération, le cas échéant, avec les organisations régionales compétentes. C'est donc au titre de ce deuxième pilier que l'Union européenne a la possibilité d'intervenir financièrement dans ces pays. Ces actions ne peuvent être possibles que si ces pays sont victimes de conflit ou encore d'instabilité interne et consentant à revevoir cette aide. La liberté est un principe fondamental dans le droit international.
Alors pourquoi l'Union européenne pourrait-elle être soupçonnée de néocolonialisme ? Le droit international s'inscrit actuellement dans un courant de pensée des relations internationales appelé le néolibéralisme. Ce dernier repose sur une idée libéral qui est la recherche de la paix. Cependant, là où ce courant se détache de son « ainé », le néolibéralisme affirme que l'accomplissement de cet objectif repose sur les groupes d'intérêts nationaux et internationaux et non sur les individus. Pour cela, il faut privilégier la coopération. Les Etats doivent être aussi interdépendants entre eux (Cette théorie est proche ici des théories économiques d'Adam Smith ou de David Ricardo.) Cependant, le néolibéralisme s'est construit en réaction à un autre courant des relations internationales : le néoréalisme. Ce courant voit les états comme les acteurs centraux des relations internationales. Ceux-ci ont la particularité d'être rationnels. De ce fait, ils ne sont guidés que par leurs intérêts, qu'ils soient économiques, politiques ou encore sociaux. C'est donc à travers le prisme de ce courant de pensée qu'il est possible de se demander si derrière ces aides de l'Union européenne, il n'y aurait pas des intérêts nationaux des Etats-membres. Cette théorie peut être aussi appuyé par une autre développée par l'américain Joseph NYE : le soft power. Ce concept affirme que la suprématie d'un état sur un autre ne se manifeste pas que par la puissance militaire mais aussi par des méthodes dites plus « douces » comme le cinéma par exemple. Les aides financières sont-elles donc du soft power ? Sont-elles un moyen de garder une certaine suprématie des pays européens sur leurs anciennes colonies ?
Il est difficile aujourd'hui de donner une réponse claire et définitive à ces questions tellement les enjeux sont grands. Cependant, dans des sociétés européennes où les citoyens n'ont plus confiance en leurs dirigeants (en attestent l'entrée au Parlement européen des groupes extrêmes le plus souvent eurosceptiques), ne serait-il pas bon que les instances nationales et supranationales arrêtent de se comporter comme le Prince décrit par Machiavel ?
Sources : Communiqué de la Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-6373_en.htm?locale=en 21/12/2015 Communiqué de la Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6348_fr.htm?locale=en 21/12/2015 Communiqué de la Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-6374_en.htm?locale=en 21/12/2015 Communiqué de la Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_IP-15-6370_fr.htm?locale=en 22/12/2015 Communiqué de la Commission européenne http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-15-6390_en.htm?locale=en 23/12/2015 France-Diplomatie « Action humanitaire et droit international » http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/action-humanitaire-d-urgence/action-humanitaire-et-le-droit/ (consulté le 30/12/2015)