Mme Guidikova admet que son travail a été plus difficile depuis ces événements, et on peut bien le croire. C’est pour certains une bonne raison de refuser les réfugiés, un bon argument tout fait pour les partis de l’extrême-droite : ils ont des normes différentes, ils ne comprennent pas nos valeurs, ils n'ont aucun respect pour la femme. Mme Guidikova rappelle que c’est normal aussi que ces réfugiés ne comprennent pas nos valeurs culturelles, qu’il n’est pas facile de s’adapter, qu’il faut que l’on leur explique. En tant que femme, ma première réaction face à ces propos a été l’indignation. Qu’est-ce qu’il y a à ne pas comprendre, après tout ? Que nous les femmes, nous sommes aussi des êtres humains ? Que nous n’avons pas envie de se faire harceler comme cela ? Cela devrait être compréhensible pour tous, non ? Il ne s’agit pas d’un acte singulier, il s’agit de quelque chose de bien organisée. Ce n’est pas du désir mal contrôlé, ce ne sont pas des actes maladroits de la part de quelqu’un qui essaie malgré tout de s’adapter. Il s’agit d’un délit, voire d’un crime dans le cas des viols. Peut-on vraiment expliquer par la différence culturelle ?
Et pourtant… Dans ''Le Figaro'' du 18 janvier, Vincent Tremolet de Villers se pose, sans doute un peu malgré lui, une question intéressante. Pourquoi est-on indulgent ? Pourquoi Henriette Rekel, la maire de Cologne, conseille aux femmes de se tenir à un bras tendu de ces hommes ? Il part du principe que l’on est indulgent parce que les auteurs des faits sont réfugiés, parce que on veut faire du "politiquement correct". M. Tremolet de Villers, vous avez bien raison, on est indulgent face à ce genre d’actes. Mais ne partons pas dans un délire xénophobe qui veut que certains politiciens tolèrent tout et n'importe quoi et que maintenant cela suffit et que les auteurs des faits méritent un voyage simple direction la Syrie.
Il faut que nous, les Européens, on comprend que ce qui s’est passé à Cologne est au final plutôt "banal", même si le contexte général est moins banal. Oui, la plupart des agressions sexuelles sont organisées en amont. Oui, 20 % des femmes vont être agressées ou violées au cours de leur vie. Et oui, après coup, elles auront droit à des réactions dans le même genre que celle de Mme Rekel. "Tu t’es fait violer ? Normal, tu aurais dû garder tes distances !" Ce n’est pas l’antiracisme qui règne, c’est la misogynie, dont même notre culture occidentale – tellement différente et meilleure que celle des réfugiés syriens, à en croire certains ! – est encore imprégnée.
Arrêtons de se focaliser sur le débat sur le multiculturalisme. Ne serait-il pas mieux de prendre l’événement comme une leçon, pour se rendre compte que le viol est aussi un problème en Europe ? On ne règle pas un problème en pointant le doigt vers l’autre, mais en admettant que le problème fait partie de notre vie quotidienne aussi. Arrêtons de prendre la misère de ces femmes comme une excuse pour être raciste.
Sources :
http://www.humanrightseurope.org/2016/01/think-tank-podcast-in-the-shadow-of-cologne-fear-migrants-and-the-death-of-multi-culturalism/ http://www.lefigaro.fr/vox/societe/2016/01/18/31003-20160118ARTFIG00279-agressions-de-cologne-ou-le-politiquement-correct-devenu-fou.php http://www.spiegel.de/international/germany/cologne-attacks-trigger-raw-debate-on-immigration-in-germany-a-1071175.html