La Wallonie est montée sur la scène du théâtre européen comme la véritable protagoniste : son Parlement s’est opposé à la ratification du traité de libre-échange entre l’UE et le Canada (CETA), alors que les parlements nationaux des autres pays de l’Union y étaient favorables. Les négociations, commencées en 2009 et terminées en avril 2016, ont débouché sur un échec à l’acte final: après le véto posé le 19 octobre 2016 par le Parlement wallon, la délégation canadienne a quitté Bruxelles et le traité ne sera pas signé, comme prévu, le 27 octobre prochain. Etant un accord mixte, pour qu’il soit approuvé le CETA doit être ratifié non seulement par le Parlement européen, mais aussi par tous les Etats membres et leurs parlements nationaux. Ainsi, la seule opposition de la Région Wallonie a suffi pour entraver la ratification de ce traité transocéanique.
La complexité de la structure institutionnelle belge
Le Royaume de Belgique est un Etat fédéral, dont le pouvoir décisionnel est réparti entre l'Etat fédéral, les trois communautés et les trois régions. Ces institutions disposent de domaines de compétence différents, mais elles ont le même pouvoir politique et les mêmes responsabilités dans la collaboration internationale. Le plurilinguisme territorial du pays justifie la création des Communautés flamande, française et germanophone. En revanche, des intérêts d’ordre économique expliquent la division en trois Régions : Flandre, Bruxelles-Capitale et Wallonie. Chaque Communauté et chaque Région disposent d' un Parlement et d' un Gouvernement (à l’exception de la Flandre, où les autorités régionales et communautaires ont fusionné). Enfin, le niveau fédéral compte également un Parlement et un Gouvernement. Dans ce cadre, le Roi est la seule entité qui assure l’unité symbolique du pays. Cette formation institutionnelle est la seule réponse efficace aux conflits communautaires de longue date, car elle garantit la représentation de différentes âmes du pays. La Belgique est en effet traversée par une ligne de rupture séparant la culture d’origine germanique au Nord, et celle d’origine latine au Sud. S’ajoutent les différences de développement économique et l’inégale distribution de la richesse et de la population entre la Wallonie, particulièrement touchée par la crise et zone moins peuplée, et la Flandre, plus développée et plus peuplée. Enfin, tandis que le Ministre-Président de Flandre est membre du parti nationaliste indépendantiste flamand, en Wallonie les socialistes détiennent l’hégémonie politique, talonnés par l’extrême gauche, alors que le pouvoir fédéral est libéral.
Le Parlement et l’Union européenne
La situation de la Belgique face au Traité de Lisbonne de 2007 est particulière, car si en principe l’Union ne reconnaît que les parlements nationaux, la Belgique a annexé au Traité une déclaration unilatérale qui précise que les parlements de région et de communauté disposent d’un statut égal aux chambres nationales. Ainsi, on compte en Belgique six parlements et six gouvernements : demander à ce pays de ratifier le CETA, signifierait le faire approuver par tous ces organismes, ce qui a finalement échoué par l’opposition de la Wallonie, du gouvernement bruxellois et de la communauté francophone.
Bruxelles capitale des unions ?
Ces forces centrifuges, qui agitent la Belgique, obligent l’Europe à considérer les problèmes internes à ce pays. Bruxelles est la capitale de l’Union au milieu d’un pays fendu. Mais dans le fond, l’appellation « Bruxelles capitale des divisions » n’est pas adéquate non plus, car mis à part le symbole royal, Bruxelles est la seule raison de la non scission de la Belgique, car ni les Flamands ni les Wallons ne voudront jamais renoncer à leur capitale. Pour le CETA, il reste à voir si la Wallonie acceptera le scénario que le pouvoir fédéral belge et l’UE ont écrit pour elle. Pour l’instant, cette région fait valoir sa volonté politique, en tenant haut l’étendard de tous les opposants à l’accord, qui voient en le Ministre-Président de Wallonie, Paul Magnette, le héros de cette bataille de David contre Goliath.
Sources:
La Repubblica, http://www.repubblica.it/economia/2016/10/24/news/belgio_ceta-150493708/, 24/10/2016
Internazionale, http://www.internazionale.it/opinione/bernard-guetta/2016/10/26/belgio-ceta-vallonia-oppone-firma, 26/10/2016
Public Sénat, http://www.publicsenat.fr/lcp/politique/ceta-pourquoi-wallonie-dit-non-1535443, 24/10/2016
Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles, http://www.pfwb.be/le-parlement-se-presente/les-organes-de-la-federation/le-parlement
La Présidence belge du Conseil de l'Union européenne, http://www.eutrio.be/fr/structure-de-letat-federal-belge