Le 12 décembre s’ouvrait au Luxembourg le procès en appel du journaliste Edouard Perrin et des deux lanceurs d’alerte, Antoine Deltourt et Raphaël Halet, inquiétés dans l’affaire LuxLeaks. Tous trois sont en effet responsables de la divulgation, en 2014, de centaines d’accords fiscaux confidentiels passés entre des multinationales et le fisc luxembourgeois permettant à ces dernières de bénéficier de taux d’imposition plus avantageux.
Le scandale avait été jusqu’à éclabousser Jean-Claude Juncker, à l’époque nouvellement entré en fonction, et avait obligé la Commission européenne à initier plusieurs propositions en matières fiscales. Les révélations ont eu pour effet bénéfique d’améliorer la transparence fiscale au niveau européen avec l’adoption en avril 2015 du « Paquet transparence fiscale ».
Quid des lanceurs d’alerte ?
Leur statut est reconnu en droit mais ils ne bénéficient ni d’une protection européenne, ni d’une protection nationale selon la loi en vigueur au Luxembourg.
En effet, le statut de lanceur d’alerte est un statut juridique qui peut être obtenu si les individus prouvent que leur motivation à divulguer fut d’intérêt général mais celui-ci ne leur apporte aucune protection. Ainsi, les deux lanceurs d’alerte français impliqués dans l’affaire Luxleaks se sont vu reconnaître ledit statut mais ont chacun été condamnés en première instance à plusieurs mois de prisons avec sursis et quelques milliers d’euros d’amende.
Ils ont pu bénéficier du soutien de députés européens, venus rejoindre les rangs des centaines de personnes qui se sont rassemblées sur le parvis de la Cité judiciaire à Luxembourg afin exprimer leur solidarité, lors de l’ouverture de ce deuxième procès en appel. En septembre, une pétition de soutien avait même été signée par 108 eurodéputés et envoyée aux autorités européennes et luxembourgeoises.
Pourtant, c’est bien le Parlement européen qui, le 14 avril de la même année, vote la directive sur le secret des affaires. Celle-ci vise à protéger les entreprises contre l’espionnage économique et industriel mais fait peu de cas du sort des lanceurs d’alerte. En droit européen, une directive est un acte juridique définissant un objectif, obligatoire à atteindre pour les pays membres de l’Union mais qui les laisse libres des moyens employés pour atteindre cet objectif. La directive en question demande aux Etats d’inscrire dans leur législation "mesures, procédures et réparations" afin "d’empêcher l’obtention, l’utilisation ou la divulgation illicites d’un secret d’affaires". Sont ainsi protégées les informations gardées secrètes par les entreprises pour des raisons stratégiques. Il peut s’agir de résultats d’une étude,de la date de lancement d’un nouveau produit, d’une recette, d’un composant chimique ou, comme pour l’affaire LuxLeaks, d’arrangements fiscaux à flirtant avec la légalité. Dans deux cas seulement, la révélation de telles informations est tolérée : pour exercer le droit à la liberté d’expression et d’information ou pour révéler une faute, un comportement inapproprié ou une activité illégale dans le but de protéger l’intérêt public général. Dans les deux cas la charge de la preuve repose sur la personne ayant divulgué de telles informations c’est-à-dire que c’est à elle de prouver qu’elle a bien agit dans le cadre de ces deux exceptions. « Ces garde-fous » obtenus grâce au travail des eurodéputés notamment des écologistes particulièrement alertes sur cette thématique, sont-ils suffisants ? Apparemment non, puisque les juges luxembourgeois se sont appuyés sur cette directive pour justifier leur décision de condamner MM. Deltour et Halet en première instance. Fort heureusement, la protection des lanceurs d’alerte doit faire l’objet d’une directive séparée actuellement en cours de préparation.
Sources :
1) http://www.lefigaro.fr/international/2016/12/12/01003-20161212ARTFIG00045-proces-en-appel-pour-les-lanceurs-d-alerte-de-luxleaks.php
2) http://www.lemonde.fr/evasion-fiscale/article/2016/12/12/luxleaks-ce-proces-est-un-message-envoye-contre-les-lanceurs-d-alerte-et-les-journalistes_5047308_4862750.html
3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Luxembourg_Leaks#Cons.C3.A9quences_au_niveau_du_Parlement_europ.C3.A9en
4) http://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2016/04/19/ce-qu-il-faut-savoir-de-la-directive-sur-le-secret-des-affaires_4904548_4355770.html