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©BBC

« Je suis désolé que nous n’ayons pas été à la hauteur et j’en prends la responsabilité », a déclaré , dans sa lettre ouverte au journal Sunday Mirror le 15 Décembre 2019, Jeremy Corbyn, le leader du parti travailliste britannique, à la suite de l’échec de son parti aux élections législatives du 12 décembre 2019. En octobre 2019, les députés britanniques ont voté la tenue d’élections législatives anticipées, avec un enjeu capital pour à la fois le parti conservateur et le parti travailliste : obtenir la majorité parlementaire. Pour les Tories de Boris Johnson, la majorité permettait d’enfin tourner la page du Brexit le 31 Janvier 2020, après trois ans d’incertitudes. En remportant la majorité, les députés travaillistes auraient, eux, demandé un report et une renégociation du traité du Brexit, avec, ensuite, un nouveau référendum sur oui ou non l’acceptation de ce nouveau traité. Si les sondages prédisaient une avance de 8 à 10 sièges pour les conservateurs, la réalité a été bien plus dure pour le Labour : avec 203 sièges (contre 262 aux précédentes élections), ces résultats sont une douche froide pour Jérémy Corbyn et ses partisans. Les conservateurs, eux, se félicitent de leur large majorité obtenue -363 sièges-, résultat historique pour les conservateurs depuis les élections de 1987.

Mais alors, comment s’explique l’échec travailliste ?

Tout d’abord, il s’est justifié par la montée progressive de l’antisémitisme au sein du parti travailliste. La communauté juive anglaise s’est détournée du Labour, devenu, pour certain, un refuge pour les antisémites. Depuis l’arrivée de Jeremy Corbyn en tant que leader, les propos antisémites des membres du parti se sont multipliés, sans aucune condamnation officielle de la part de ce dernier. Seulement deux députés ont reçu des avertissements : Liam Moore, sur les « sionistes de Rothschild qui tiennent Israël et les gouvernements du monde » et Lesley Perrin, députée ayant diffusé une vidéo négationniste. Ephraim Mirvis, grand rabbin do Royaume-Uni, avait même publié, le 25 Novembre 2019, une tribune dans le journal The Thimes, s’alarmant sur ce « poison » au sein du parti.

Ensuite, ce recul travailliste s’explique par le regain et le tournant nationaliste, surtout en Ecosse, historiquement travailliste. En Ecosse, Le SNP (parti national écossais) a remporté 48 des 59 sièges. Région ayant voté à 62% pour rester au sein de l’Union européenne en 2016, les Ecossais ont délaissé le Labour, les travaillistes n’ayant plus aucun député dans la région, contre 7 obtenus aux élections législatives de 2017. En plus du refus de la politique conservatrice de Londres, la volonté indépendantiste c’est de plus en plus consolidée avec ce vote, confortant Nicola Sturgeon (cheffe du SNP) dans la voie d’un second référendum.

Enfin, et surtout, il se justifie par le manque de clarté du parti sur la question du Brexit. Déjà en septembre 2019 lors du congrès annuel à Brighton, les partisans s’étaient déchirés sur l’adoption d’une motion sur le soutien ouvert au « remain », motion qui a été rejetée. De plus, Il n’est pas sans rappeler la position eurosceptique de Mr Corbyn. Or, la majorité des électeurs du Labour ont voté en 2016 pour rester au sein de l’Union européenne. Dans un parti divisé entre pro et contre Brexit, Mr Corbyn s’est aliéné une grande partie de son électorat en maintenant une ambiguïté sur la question, à contrario de son rival, le Premier ministre. En sous-estimant la question du Brexit chez les Britanniques, Mr Corbyn a manqué le tournant dans l’électorat conservateur. Auparavant attribué aux classes aisées et moyennes, le nouvel électorat des Tories est également devenu celui des ouvriers. Ainsi, cinquante quatre circonscriptions travaillistes ont basculé lors de ces élections vers le vote conservateur, alors que cinquante d’entres elles avaient voté « remain » en 2016. Ces régions du nord, ouvrières, bastions historiques du Labour, plus pauvres que celles du sud, ont été la cible de la campagne des conservateurs, avant même ces législatives : discours sur le chômage, la pauvreté, l’immigration. Mr Johnson a su capté leurs priorités et les rallier à ses idées, contrairement à Mr Corbyn.

Et Boris Johnson compte bien consolider ce nouvel électorat. Il l’a d’ores et déjà fait en présentant un programme anti-austérité à la fin du mois de décembre 2019, politique pourtant menée pendant plus de dix ans par son propre parti au pouvoir, avec notamment une promesse de hausse du salaire minimum.

Sources :

« Au Royaume-Uni, le Parti conservateur de Boris Johnson remporte une large victoire ». Le Monde.fr, 12 décembre 2019, consulté le 04/01/2020

« Corbyn: I Will Not Lead Labour at next Election ». BBC News, 13 décembre 2019, sect. Election 2019, consulté le 04/01/2020

« Elections au Royaume-Uni : 54 circonscriptions travaillistes ont basculé vers les conservateurs ». Le Monde.fr, 13 décembre 2019, consulté le 04/01/2020

L’Echo. « Les raisons de la débâcle de Jeremy Corbyn », 13 décembre 2019, consulté le 04/01/2020

Courrier international. « Royaume-Uni. Les conservateurs de Boris Johnson sont le nouveau parti ouvrier », 17 décembre 2019, consulté le 04/01/2020